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Comédien Humoriste, Auteur Dramatique

Comédien Humoriste, Auteur Dramatique
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9 septembre 2011

La Compagnie Feugham en tournée

Mémoire d'une peau, de Williams Sassine, par la Compagnie Feugham La dernière tournée de l'année dans le réseau culturel français au Cameroun! CAMEROUN | 10-09-2011 > 17-09-2011 Texte de Williams Sassine, adaptation et mise en scène de Kouam Tawa, avec Wakeu Fogaing / Création au Centre culturel franco-guinéen de Conakry en novembre 2010 / Durée : 1h10 La Compagnie Feugham est une troupe théâtrale camerounaise, basée à Bafoussam, dirigée par le comédien Wakeu Fogaing et administrée par le dramaturge Kouam Tawa. Un lundi comme un autre… Milo Kan, l'albinos à qui la vie n'a pas fait de cadeau, rêve d'amour. Il rêve d'une grande histoire qui lui fera oublier son manque d'enfance, son trop-plein de nature volage, son père discontinu, sa mère interrompue. Mais comment cesser d'être une ombre de Blanc et un négatif de Nègre quand on trouve l'amour rêvé auprès d'une femme noire et d'un homme blanc eux-mêmes albinos à leur façon ? Cette adaptation du chef d'œuvre de Williams Sassine sera en tournée dans tout le réseau culturel français au Cameroun. Retrouvez-les : le samedi 10 septembre à l'Alliance française de Garoua, le mardi 13 septembre à l'Alliance française de Bamenda, le mercredi 14 septembre à l'Alliance française de Dschang, le vendredi 16 septembre au CCF de Douala, et enfin le samedi 17 septembre à 19h30 au CCF de Yaoundé, pour clôturer cette belle tournée! photo / copyright Laury Alberts
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4 mars 2011

Théâtre Chez Denise Samedi

Théâtre Chez Denise tous les  Samedis du mois de Mars

Théâtre
    Le Féminisme n’est pas une maladie Contagieuse qui va envers et contre tous prendre en otage les femmes. Tels sont les mots-rages que Denise comédienne de la Compagnie Feugham de Bafoussam prend en charge pour dire le mal-être des femmes seules, des femmes libres et libérées d’une certaine manière par la société d’exclusion. La société aux mœurs stables et inviolables.
Je ne suis pas en colère… je crie
Avec
Denise Djuikom
Tous les samedis du mois de Mars à 19 heures
Au Café-Resto Chez Denise
Bafoussam descente Monument Wanko; face ELECAM  Tamdja
Texte et mise en scène de Wakeu Fogaing
Extrait:
Je suis la handicapée de la société qui m’a fait handicapée. Je suis la honte de votre quotidien pas ma honte. Je n’ai rien fait pour puer alors je pue au plus fort de mon odeur de femme. Sans rancune. De toutes les femmes qui ne peuvent pas puer, j’ai prie les odeurs en moi... Je suis une femme libérée. Libre et libérée. Je ne peux pas être cocufiée. Je ne peux pas cocufier quelqu’un. Je ne peux pas demander le divorce et personne ne peut divorcer de moi.

Production : Compagnie Feugham
Téléphone : 99 82 83 27- 99 99 40 65 E-mail : compagniefeugham@yahoo.fr
14 septembre 2010

Spectacle D'humour AU CCF de Yaoundé

WAKEU FOGAING ET LE CINQUANTENAIRE 

Un nouveau spectacle et un thème de circonstance : 
le Cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun, que Wakeu Fogaing honore avec une jubilation particulière. 


1Wakeu Fogaing est né un 20 mai et ce n’est pas sans conséquence sur son éducation, sur son enfance et sur sa carrière. C’est autour de la célébration du Cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun qu’il tourne en dérision son enfance et son rapport avec son père. 
Celui-ci était en effet persuadé que la date de naissance de son fils conférait automatiquement à ce dernier une responsabilité particulière...

Wakeu Fogaing délaisse, le temps d’un spectacle, le destin de Monsieur Nimportequi qu’il conte depuis une décennie, et jette un regard dans le rétroviseur de sa vie jusqu’à ce Cinquantenaire. 
Il se saisit des mots, du langage et, via une alchimie particulière, les transforme pour décrire ce qu’il considère comme « le sort de son quotidien ».


Wakeu Fogaing est auteur, comédien, metteur en scène et dirige la Compagnie de théâtre Feugham, (Bafoussam) depuis 1993 avec l’auteur dramatique Kouam Tawa. 

Jeudi 13 Janvier 2011 à 19h30
Tarifs : 2000 Fcfa / 1000 Fcfa Adhérents

 

14 septembre 2010

WAKEU FOGAING ET LE CINQUANTENAIRE Un nouveau

WAKEU FOGAING ET LE CINQUANTENAIRE 

Un nouveau spectacle et un thème de circonstance : 
le Cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun, que Wakeu Fogaing honore avec une jubilation particulière. 


1Wakeu Fogaing est né un 20 mai et ce n’est pas sans conséquence sur son éducation, sur son enfance et sur sa carrière. C’est autour de la célébration du Cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun qu’il tourne en dérision son enfance et son rapport avec son père. 
Celui-ci était en effet persuadé que la date de naissance de son fils conférait automatiquement à ce dernier une responsabilité particulière...

Wakeu Fogaing délaisse, le temps d’un spectacle, le destin de Monsieur Nimportequi qu’il conte depuis une décennie, et jette un regard dans le rétroviseur de sa vie jusqu’à ce Cinquantenaire. 
Il se saisit des mots, du langage et, via une alchimie particulière, les transforme pour décrire ce qu’il considère comme « le sort de son quotidien ».

La première partie de ce spectacle sera assurée par deux jeunes talents parrainés par Wakeu Fogaing.

Wakeu Fogaing est auteur, comédien, metteur en scène et dirige la Compagnie de théâtre Feugham, (Bafoussam) depuis 1993 avec l’auteur dramatique Kouam Tawa. 

Jeudi 21 Octobre 2010 à 20h
Tarifs : 2500 Fcfa / 1500 Fcfa Adhérents

15 juillet 2010

pour ma belle

 

Pendant que la mer parlait sa langue,

Je voyais ta cuisse dans mon rêve.

Je ne suis pas distrait.

Jamais

Jamais je ne suis distrait quand je pense à toi.

Quand je vois ta cuisse

Dans un rêve qui m’appartient. 

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9 juillet 2010

je ne suis pas en colère... je crie

Ceci est un monodrame écrit pour Denise Djuikom de la compagnie Feugham de Bafoussam

1

Je suis une femme sans voix et sans statut. Une femme qui bavarde et crie toute seule dans un milieu de sourds qui parlent. Est-ce que les gens m’entendent ? Quelle importance ?

Je ne suis pas une femme seule mais libre comme on dit de nous autres qui sans aucune responsabilité de notre part ne sommes pas allées ni devant le maire ni devant le prêtre. Une femme qui bavarde ne dit pas que des conneries. Elle chante un caractère d’identification. De rage aussi. Une femme qui n’a pas d’homme n’a-t-elle pas le droit d’avoir d’enfants ?  D’élever ses enfants sans qu’ils ne portent les cicatrices de son handicap ? Voilà ce soir la grande question de mon coup de gueule au carré. Notre vie n’attire la politique de personne et personne dans sa politique ne veut comprendre notre rage. Notre espoir pour un festival de fesses libres et respectables. Nous sommes libres et dans le libre il y a le noble comme dans le lié il y a de la pourriture. La vie n’est pas un cadeau pour moi. Ni pour d’autres femmes de ma condition. Et je ne suis pas un cadeau pour la vie. Je gueule comme ceux qui n’ont pas grand choses à dire. Je rage dans ma gueule pour que mon ennui ennuie les autres aussi. Je suis la handicapée de la société qui m’a fait handicapée. Je suis la honte de votre quotidien pas ma honte. Je n’ai rien fait pour puer alors je pue au plus fort de mon odeur de femme. Sans rancune. De toutes les femmes qui ne peuvent pas puer, j’ai prie les odeurs en moi. Dans mon sein. Dans mon cri qui ne s’entend pas. Mon cri qui se plaint de n’être pas loup, ou tigre. Je ne me plains de personne je me plains de vous. De tous ceux qui m’écoutent dire que je ne suis pas une femme vraie mais une femme libre. Le ménage me ménage aujourd’hui pour vous. Mon attention monde au delà de l’inattendu.

Le vent qui souffle souffle pour moi aussi. Le soleil qui brille brille pour moi aussi et le chao dans lequel notre pays roule me détruit aussi.

Ça ne va pas. Ça ne va pas aller. Ça n’ira nulle part si au fond de notre gouffre on ne sait pas dire qu’on n’a pas envie de mourir de la mort que nous avons cherchée. De la mort qui nous rend victime et bourreau. Être libre ne vous autorise pas à me toucher les fesses. A forcer mon passage dans votre lit. On ne peut pas faire la giclée sur la moquette des bureaux tout simplement pour justifier vos préjugés sur nous. L’éclaboussure doit avoir la volonté d’être éclaboussure. D’être éclaboussée par n’importe quel viril ingrat.  Mon mal est grand et je n’ose cacher la douleur. N’ayez pas pitié de nous. Respectez nous tout simplement.

Nous avons tendu nos pièges pour nous attraper et de fil en aiguille nous nous causons des torts. 

2

Ma peine traine sur la poitrine des femmes. Le fardeau qui excite et livre à la perversion. La vie ne fait pas de cadeau. La vie respire avec effort et rage. Vivre c’est un travail et la formation au métier de vivre n’est pas un cadeau. Je ne fais pas la politique comme ceux qui ont l’habitude de parler devant les gens. Je parle sans faire la politique. Victime de la politique sociale.

La politique c’est de la limonade et Dieu sait que je n’aime pas la limonade.

Il faut avoir un charisme pour faire la politique. Et Dieu sait que je n’aime pas le charisme.

Quand tu as le charisme, les gens viennent te voir par milliers pour dire qu’ils veulent être avec toi. Tu les admets et tu commences la politique. Tu penses qu’ils sont déjà avec toi alors qu’ils passeront tout leur temps à vouloir être avec toi sans être avec toi. Comme les hommes.

La politique des femmes n’existe pas et les femmes politiques sont nulles aveugles et sourdes. Pire que les hommes. Concurrentes des femmes.

La politique c’est de la limonade et Dieu sait que je n’aime pas la limonade.

Quand tu t’improvises dans la politique, les situations ne manquent jamais. Et quand il y a situations, il y a actions. Ce qui m’énerve  c’est que les actions sont toujours la preuve de l’impuissance de l’homme politique. De la femme politique si elle existe.  Si on l’a fabriquée.

Les gens viennent toujours avec des pancartes sur lesquelles on a écrit : « nous sommes avec toi ».

Tu te fais des idées et tu organises une marche parce que tu as vu des pancartes qui te soutiennent. « Nous sommes avec toi ».

Pendant la marche interdite, les gens se mettent derrière toi et tu penses qu’ils sont avec toi alors qu’ils sont derrière toi avec leurs pancartes.

Quand on t’arrête pour marche illicite les gens qui étaient derrière toi et disaient être avec toi n’écoutent pas leur courage et traversent la route pour se faire d’autres idées que les tiennes de l’autre côté. Ils se choisissent immédiatement un nouveau leader et jouent le jeu d’être avec lui jusqu’à son arrestation. La noire politique des noirs.

La politique c’est de la limonade et Dieu sait que je n’aime pas la limonade.

Faire la politique c’est se faire coupable. Coupable d’avoir accepté d’être la victime d’un système qui détruit tout. De quoi on est coupable là ?

Une fille belle reçoit tous les jours des hommes qui veulent être avec elle. Elle croit que ces hommes sont sincères. Elle choisit parmi ces hommes celui qui est le plus sincère. Elle se donne à fond pour qu’il ne regrette pas d’être avec elle. Alors qu’il joue d’être avec elle en étant avec une autre. Comme en politique. On peut méditer sur cette situation de prédateurs au masculin face aux proies belles et fragilisée par la société.

Je veux lever le pagne de la honte pour décrire toutes les hontes des femmes qui font serpillière et ne s’en rendent pas compte. L’heure de la naïveté doit passer. Ça fait mal souvent d’assumer ce qu’on a voulu qu’on soit.

3

Je suis une tasse de thé qui titille les nerfs un soir de trop plein. On ne me reconnaît à personne puisque je ne suis pas mariée. Sans homme ! Sans maître. Sans bourreau légendaire.

Chaque homme qui me voit un soir de libertinage essaie de m’offrir un pot. Un pot intentionnel. Un pot qui dit le viol et la violence d’une société maladroite. Notre société. Notre libido obsessionnelle.

Quand je prends le pot qu’on m’offre ça fait plaisir pour la suite de la soirée et quand je dis non à l’offre de ce pot thermomètre, ça coupe court mais ça me donne le qualificatif de salope. Excusez-moi ! Je suis une salope. Et j’assume. J’assume le caractère que j’ai quand je dis non. J’assume le fait que je dois choisir avec quel obsédé je dors. On dit que je suis salope. J’assume. En un soir j’ai deux visages : le visage d’avant le désir et le visage d’après. Le pendant ne compte pas. Personne ne s’occupe du pendant. Pendant quoi ? Je ne sais pas vous le dire. Puisque c’est pudique. Ça me rage encore !

C’est l’homme qui me désire m’admire… et c’est le même homme qui me  méprise quand il vient de finir avec moi. J’ai vu les hommes pleurer, ramper et dire les choses les plus inimaginables pour m’avoir ; comme si j’étais une déesse, une terre promise. Comme si j’étais déjà une sainte. Quand ils te veulent, ils mettent tous leur talent de menteur en marche. Le romantisme devient la religion vulgaire. Et on s’ennuie au plaisir d’écouter ça. Les évangiles selon saint amoureux…. Ah !

Pour de l’argent, j’ai écouté les idiots les plus membrés.

Pour de l’argent. Pour que ma famille mange.

Pour de l’argent.

Rien que pour cet argent qui nous appauvrit et nous enrichit à volonté. 

La nature ne m’a pas permis d’être riche parce qu’il faut vous avouer, l’argent ça permet de dire merde à ceux qui nous emmerdent.

Quand les poches sont pleines, on fait chier ceux qui avaient l’intention de nous faire chier. Et je vous assure que ça libère. Sans blague. Même quand on est libre on pense à la liberté. A une autre liberté. Je ne sais pas laquelle mais j’en rêve. Ça m’épuise !

Le regard que je reçois chaque soir me fait comprendre qu’on ne fait pas de cadeau aux femmes. A toutes les femmes. Surtout aux femmes qui n’ont pas de mari comme si elles devraient s’épouser elles-mêmes. Même les femmes les plus mal casées dans le ménage qui ne sont que des fabriques d’enfants nous méprisent aussi. Avec rage ! Ça déconne ! Nous savons pourtant tous que s’il fallait passer un concours pour être au ménage, la moitié des femmes en ménage seraient libres. J’assume. Tout ce qui me colle à la peau j’assume.

Ma fille mariée me reproche de l’avoir fait hors ménage. Ma copine battue par son ivrogne de mari m’accuse de n’avoir pas le privilège de me faire battre par un homme. La grande idée qui construit l’idéal chez la femme. Ça rage au tour de moi et ça m’enrage de plus fort. Je suis une femme libérée. Libre et libérée. Je ne peux pas être cocufiée. Je ne peux pas cocufier quelqu’un. Je ne peux pas demander le divorce et personne ne peut divorcer de moi. Je me tiens là et je crie mon handicape avec rage et plaisir. Allez-vous faire foutre. Je dors avec les gros mots et je les prononce comme ça ne plaît à personne. J’assume ma grossièreté. La grossièreté de ma condition de libre.

Regardez-moi comme vous regardez le mal. Les femmes du mal. Les femmes que vous voyez minables mais sensuelles. Regardez aussi mon alter égo. Ma compatriote de condition victime de sa faiblesse au milieu des je-m’en-fous. Dans la rue de la joie. Le silence ne me ronge plus. Pause. Pause silence.

4

Elle ouvre et ferme la porte de sa vie. La porte de son corps qui s’ouvre à volonté pour tous. La contrainte !!!

Ils viennent tous les soirs toucher son corps. Ils viennent en courant les soirs. Tous les soirs c’est sûr pour le goût du toucher. L’explosion de la joie.

Toucher son corps en profondeur. Surtout en profondeur.

Elle parle et on l’entend. Elle parle dans la profondeur de son corps qu’on touche et on l’entend. Dans la rue de la joie.

Elle perçoit.

Elle ouvre et elle perçoit.

Ce n’est pas le prix qui intéresse c’est son trou qui compte. Pour le prix c’est le trou qui compte ; la vie aussi.  Le trou et la vie les soirs qu’ils viennent.

Ils paient le prix de la vie qu’ils sucent à tour de rôle au bout de son sein. Son sein ? Une sucette !

Elle ne vit que par ça, que pour ça. Ils ont besoin de ça pour vivre eux-aussi. Les plongeurs.

Elle perçoit. C’est de ce qu’elle perçoit qu’elle vit. Le prix de la vie. De sa vie. De son trou. Où se vident nos plongeurs. Elle s’ouvre. Le cœur couvert, l’âme meurtrie. Elle ouvre. Pour vivre. Pour qu’on entre en vie. Dans sa vie.

Ils crachent au lever du jour sur son corps, au coucher du soleil le touchent en profondeur. Toujours en profondeur. Avec de petits cris parfois.

Elle sent leur corps dans une largeur venir chercher la vie en son sein. En elle.

Et elle leur donne la vie, toute sa vie dans son corps et son lit de pute.

Pas de remords, elle n’a pas de remords. La receveuse.

Ils déversent en elle. C’est ce qu’elle pleure. Leurs déceptions amoureuses. Toutes leurs déceptions amoureuses tous les soirs en elle, ils déversent. Avec de petits cris parfois.

Elle perçoit c’est tout. Son trou. Le trou de tous. Pour vivre. L’exile !

La sueur de leurs souffrances coule de leur corps à son corps parfois en profondeur. Toujours en profondeur. Avec de petits cris parfois.

Dans la profondeur de la nuit, ils repartent nus et propres. Ça aussi elle perçoit. Le souffle de la vie qui la quitte ; elle perçoit. Forte comme toujours, forte comme jamais.

Le jour, personne ne la regarde. Même toi le régulier, tu ne la regardes pas le jour. Au plus profond d’elle, la receveuse a tout donné. Même sa vie au virus, elle a tout donné.

Pas de remord. Elle n’a pas eu de remord la receveuse.

5

Face à ça on se tait. Qui se tait ? Je me tais. Ouvrant la bouche sans mot pour dire un silence qui ennui. Le sanglot. La larme d’un combat gagné sur la vie qui pue. Qu’on pue. Qui pue la vie ? La vie elle seule ne pue pas. Nos malheurs la saignent. L’exposent au soleil ; à la pluie ensuite. Au temps qui se tait aussi et traine sans espoir pour nos fillettes. Nos gamines qui poussent dans ce champ de la perversion. Une fille ne se gâte pas toute seule. Une main d’homme est toujours avec le coupable. Des mains de femme aussi. Des mains de mères, d’épouses. Et c’est la victime qu’on condamne. J’ai aussi à dire aujourd’hui. Hein. Tout ce que j’ai retenu au fond de moi longtemps. Depuis le début de la soumission. Suis-je la seule soumise ? La seule qui reçoit l’ordre de se baisser ?

On se tait. Qui se tait ? On ne sait pas et pourtant je n’ouvre la bouche qu’au sanglot qui sort d’une cage asphyxiante. Sans air. Mon corps de femme libre. Victime et coupable. Coupable à vos yeux et victime au fond de moi. De mon histoire qu’on raconte à tâtons.

Ma cuisse est là pour vous dire mon désastre. Mon sein est là pour vous raconter son calvaire. Le calvaire que vivent vos femmes. Le calvaire de ces femmes qui nous méprisent aussi. Mon ventre peint le tableau de la maternité indélébile. Le ventre de vos femmes aussi. Nous avons les mêmes peines. Les mêmes fardeaux. Qu’est-ce que vous attendez pour me dire merde aussi ? Vos femmes vont vous donner cet ordre. Parce que la parole doit avoir une alliance. Un acte de mariage. Ma fille est aussi auprès de son mari qui ruse de moi. Criez femmes. Criez auprès de vos maris! Contre moi !  Je m’en fous.

Je n’ai pas honte. Je n’ai plus honte. Devrais-je avoir honte ? Pourquoi ? Je suis votre produit. Le produit de votre exclusion. La fabrique de vos usines sociales. Qui m’a fait si ce n’est pas vous et moi. Comme Frankenstein n’ayez pas honte de votre œuvre. Regardez-moi avec amour. Pas seulement avant mais pendant et après aussi. S’il vous plaît. Je dégoûte mais ça m’excite.

Un matin d’une année que je ne sais pas dire, je suis sortie d’entre les cuisses d’une femme qui poussait. Pas coupable.

Mon père m’a donné un nom et  la vie m’a bercé jusqu’à ce que comme voulait la société, personne ne demande ma main. Personne.

On m’accuse d’avoir gardé ma main. Ma main que personne n’a demandée jusqu’alors. Pourquoi je ne peux pas garder ma main si personne ne la veut ? Je n’ai pas honte de ma main. Ma main me plait bien. Si je suis mal fait. C’est la faute à qui ? Je n’allais pas me faire à vos yeux quand même.

                                                                   

6

Je souffre d’un mal qui vient de vous. De moi aussi. Je vois la peine que nous cause notre ignorance. J’ai mal de moi de vous, de la société attardée. Des non-dits qui me tuent à petits feux tous les jours. Ma famille ne m’épargne pas. Mes oncles, mes tantes qui ont depuis des années construit leurs espoirs sur mon prochain mariage. Rêvant chaque jour de plus à l’arrivée d’un fiancé riche. Payeur d’une dot-fortune. Payeur du meilleur prix de l’enchère de ma jeunesse, l’enchère de la qualité de ma forme ; de mes seins de mes cuisses et surtout de mon sexe qu’on croyait toujours intacte. J’assume ! La femme dont la famille a reçu un taureau pour la dot pense qu’elle est supérieure à celle dont la famille n’a reçu qu’une chèvre. Et celle qui voit sa famille ruiner son homme se plaît de voir qu’elle a coûté la peau des fesses à son homme. Et après le mariage généralement, on passe des années de misère à rembourser les dettes contactées pour le mariage.

Est ce que je suis libre ? On le dit mais je ne crois pas. Personne à la fin ne me laisse ma liberté personne. Le voisin sait que je ne suis pas mariée et me méprise pour rien avec sa femme ; sa famille. Tout simplement parce que ma liberté lui appartient aussi. Ma mère année après année souffre de l’humiliation des ses copines qui rient de me voir seule. Mon père se tait comme tout homme qui honte sur son sort. Le silence de mon père pèse sur mes frères et sœurs qui me tiennent pour responsable de ma vie de non mariée. Et puis quoi ? Désastre. Je porte le désastre de tous les désastres qui vous torturent, qui me torturent par vous. A cause de vous. Je dors sur le désastre qui me tourmente par votre faute et l’ivrogne vient me voir par pitié pour me sauver de la risée de son ivrognerie. Et l’insolent vient me voir par pitié pour l’envie de me sortir de la peine de son insolence. Et ma famille vient me voir par mépris pour la honte que je traine sur elle. Et le passant passe en versant sur moi le regard de l’inexistence. Qui vous a dit que je voulais exister ? Je ne suis pas venue au monde par ma faute. Alors Je reste même si ça ne vous plaît pas jusqu’au terminus de votre dictature des mœurs.

Je ne demande rien à personne et tout le monde me prend ma dignité originelle. Je m’en fous de la honte qu’on voit sur moi et qui n’existe pas. Je m’en fous de la pitié qu’on a pour moi alors que je ne suis pas en peine. Je veux tous simplement vous dire que j’emmerde les gens qui me voient emmerder. Je pisse aussi sur la liberté de ceux qui veulent pisser sur la mienne. Personne ne m’a achetée parce que je ne suis pas vendable. Je ne suis pas à vendre. Aucune cage ne peut me contenir et ma fierté survole cette vérité qui vous rend malade. Pour me marier aujourd’hui, je veux aller doter mon homme. Pour voir vos gueules. Seulement pour voir. La gueule des hommes qui pensent qu’on leur vend notre fierté.

Et c’est pour la femme que je veux lutter. Contre la femme aussi. La femme qui danse quand on lui laisse le temps de faire expression de sa liberté. La femme qui ne veut pas la polygamie et exige que son fils et son frère soient polygame. La femme qui veut que sa fille soit heureuse et pourrit la vie à sa belle fille. On ne peut pas être heureux si on déteste le bonheur de l’autre.

Toutes les femmes qui se donnent de la valeur parce qu’elles ont été dotée, restez dans vos valeurs et ignorez moi. Toutes les femmes qui se donnent de la valeur parce qu’elles sont mariées, gardez vos maris et ignorez moi. Donnez vous de la valeur c’est votre problème mais laissez moi la liberté d’être dans un autre privilège que vous. Laissez-moi dans la poubelle de vos valeurs me prendre en charge. Je ne vous dois ni mépris ni envie. Je ne vous dois ni insultes ni honneurs. J’ai échoué le diplôme de Madame et ça me suffit. Gardez vos regards pour vos rivales. Ou pour vos rivaux.

Je suis victime de la méchanceté de la femme. Pour que la femme souffre, il faut qu’une autre femme soit responsable. Personne ne hait la femme comme la femme. Personne ne piège la femme comme la femme. C’est la femme qui hante et détruit tous les rêves de femme. Chaque femme a envie de marcher au dessus de toutes les autres femmes. Et la femme veut être l’égale de l’homme. Laissez-moi rire. Toutes les journées de réflexion sur la question de la femme sont chômées. Pour des femmes qui ne savent rien faire d’autres que lever les pagnes, soulever les robes le 8 mars et faire des Play back’ s’amusent dans la soumission à un rôle qui ne finira jamais de leur échapper. 

J’ai vu le jour de la journée internationale de la femme, le 8 mars, des femmes se donner dans la rage de la recherche de la liberté à n’importe qui. Dans la folie de la foule. Dans l’ivresse de l’incertitude et de l’ignorance. Les femmes pour la plupart mariées. Des femmes, un jour de revendications qui se font plaisir dans les draps de l’inconnu. Et font plus tard la morale du foyer aux femmes seules. Si vous avez des chaines, libérez-vous de ces chaines avec noblesse. Pas dans un festival de fesses faciles le 8 mars. On boit pour étancher sa soif pas pour avoir le courage de faire une bêtise. Quand dont comprendrons-nous que nous devons si nous avons envie de nous donner, nous donner avec amour à qui on veut plutôt que pour faire du mal à notre compagne ? Si le mariage est une prison, pourquoi sommes-nous si fière d’y être. Pourquoi ne brisons-nous pas les murs de cet enfermement ?

Le mariage ici n’est pas encore la recherche d’une compagne mais l’achat d’une fabrique d’enfants. Et les femmes les premières vont en guerre contre leur sœur, leur fille et leur belle-fille qui n’ont pas d’enfants au mariage.  Puisqu’une femme qui n’a pas d’enfant devient la risée de tous. Surtout des femmes. Monde cruel. Monde mien qui se moque du handicap des autres. On voulait que je me marie pour qu’on me gare comme la plupart de femmes qui au bout de quelques années de mariage n’ont pas d’enfant. Où est la liberté qu’on crie tous les jours si on ne peut même pas encore accepter que quelqu’un soit stérile. Qu’en serait-il si quelqu’un choisit tout simplement de ne pas avoir d’enfant ?

J’aime dans la clandestinité et j’assume. Mes enfants sont illégitimes et j’assume. Je bafoue les règles de la construction sociale et j’assume. J’assume la vie qui ne m’assume pas. J’assume le tort qu’on m’attribue à tort. J’assume. J’assume. J’assume tout ce que vous ne voulez pas assumer et ça me laisse à la température normale parce que j’ai trop souffert de votre souffrance. J’ai trop eu soif de votre soif. J’ai trop brûlé au soleil de vos insurrections dans ma vie privée.

Je prie pour la souffrance des femmes qui vivent votre dégout, votre exclusion tout simplement parce que la nature ne leur a pas permis de passer à la maternité. Assumez femmes brisées votre handicap. Luttez fort contre vous contre votre haine de ce que vous êtes devenues. Laissez ce que sont les autres et occupez vous de vous. Assumons-nous ! Assumez-vous ! Comme je m’assume.  Nous sommes cruels pour nous-mêmes. Nous sommes méchants et sataniques dans notre façon de nous  traiter. Et vous allez ensuite à l’église le dimanche et aux arbres autels les weekends de saisons sèches. La coutume sociale a noirci nos cœurs. Et Dieu est toujours absent quand on s’acharne sur la liberté ou le handicap des autres.

Et les femmes veulent l’égalité avec les hommes. Et elles ne peuvent pas se voir égales entre elles de mêmes sexes. Elles veulent l’égalité des femmes avec les hommes et ne se supportent pas. N’acceptent pas leurs défauts. Ne se prennent pas en charge et ne s’imaginent même pas en train de se prendre en charge. Demandez à vos hommes de vous doter. De se construire avant. Et sautez-les dessus quand tout est fait pour exiger d’être leur égale. Devenez tout de suite leur seconde épouse quand la première n’a pas eu d’enfant. Pour vous et moi, la femme sans enfant c’est le diable incarné. Et finalement on a l’impression que c’est la première femme qui veut prendre la place de la seconde femme. Tout simplement parce qu’elle n’a pas d’enfant. Je pleure pour vos mentalités. Pour la mienne aussi qui s’est longtemps contaminé de ce désastre. Epousez d’autres femmes pour vos fils qui n’ont qu’une seule femme. Pour les voir se ruiner à la tâche de mal traiter les filles des autres. Vous ne voulez pas qu’on batte vos filles et vous faîtes battre les filles des autres. Qui deviennent mères et qui sans le savoir portent les gênes de la vengeance.

A trop vouloir me rendre sensible je verse dans l’insensibilité. Comme toutes les femmes qui transforment vite l’amour maternel en conflit de belles-mères. Je ne verserai jamais à ma famille la dot de ma main que je garde et que personne ne demande. Le prix de ma main n’existe plus. Parce que je suis libre et libérée de vous. Je divorce de nos mœurs. De moi-même.

Je ne suis pas votre dette parce que je n’ai pas choisi de sortir femme. Ma responsabilité est loin de cette vérité. Je ne suis ni la dette ni le bien de personne puisque personne n’a versé de l’argent pour m’avoir. Que ceux qui ne veulent plus que je sois des leurs me le crient. Que tous ceux qui ont honte de moi ne m’approchent plus. Je pue parce que je veux puer de mon odeur. De l’odeur de toutes les humiliations que j’absorbe. Depuis mon jeune âge. Depuis le jour où on a constaté que je viens au monde au féminin. La femme c’est quoi ? Et en chœur les femmes affirment qu’elles ne sont rien. Ne valent rien.

Je ne veux plus être victime des non-dits. Des choses qu’on dit à voix basse et qui vous torturent pour l’éternité.

Je me tais maintenant. Parce que je veux me taire pas parce que je n’ai plus rien à dire. Je me tais pour que le silence réponde à mon ennui. A l’écho de la voix qui rage en silence.

7

Je confesse ma rage et mon espoir en prenant à témoin tous ceux qui peuvent croire que je chante au désert. Que je n’ai jamais connu l’amour. L’envoutement. J’en suis encore prisonnière.

Je parle pour qu’au loin tu m’entendes. Je parle pour qu’il comprenne que sa place n’a pas quitté mon cœur. J’ai recollé les morceaux de mon cœur brisé. Je te parle à toi Dieu. Comme si je parlais à lui. C’est à lui que je parle en te parlant mon Dieu. Je suis une femme seule qui attend la promesse. Je suis une femme qui voit le bonheur au passé. J’ouvre grand mes yeux de femme et le voit là au loin dans le brouillard de l’impasse que j’ai connu et veux connaître encore. Je veux qu’il vienne encore me prendre. Me tromper s’il me trompait. Sa rage de connard m’a rendu accro à lui. Je le veux. Je quitte tout pour lui qui est parti. Et la vie avec lui se dissout dans mon éternité. Il m’ignore et ça m’excite chaque jour d’avantage. Mon amour n’est  pas aveugle. J’ai déjà trouvé le sens de la vocation amoureuse.

Comme tu as dis mon amour, je me tiens là. Là où tu m’as dit de rester confiante. Et je te vois dans le miroir de mes sentiments tromper tes promesses de con. Tu m’as laissés là à t’attendre. Dans la fidélité du temps et du besoin. J’attends là. Homme mon homme. Pour que tu cours entre toutes les cuisses de femme en mettant au placard l’oubli de mon attente.

J’attends un homme mon homme. L’homme sincère que je fixe en toi et qui se trompe qui me trompe. Je suis née pour être à toi. Rien qu’à toi quand tu auras fini de courir aux confins  de ton ingratitude.

Ton ingratitude m’excite et me rôde dans l’ivresse du pardon.  Je sais te voir mouillé de honte. Te croire galant dans l’ivresse de l’imposture.

Je t’aime comme une conne. Comme si  je ne sais pas aimer. Avec la conviction de croire en l’espoir de ma foi. Je t’aime comme on aime sa honte. Ses défauts qu’on ne peut cachés.

J’ai passé plus de temps à avoir peur de te perdre et je tai perdu quand même. Aujourd’hui je savoure encore les minutes de bonheur que j’ai connues avec toi. J’ai construit dans mon cœur le courage de ton départ et le chagrin est venu détruire le mur de la chambre où dormaient mes larmes d’amour. Je les ai versées longtemps. Je ne regrette pas ma faiblesse. Mon amour pour toi. La blessure de ton départ a construit l’espoir de mon attente. Je t’attends. J’attends comme les chrétiens attendent Jésus qui ne revient pas. Je vis pour t’attendre. Pour mourir en t’attendant.

Tu as touché le centre de mon orgueil de femme. Je ne sais plus appartenir à un autre. Je sais t’appartenir si tu reviens et même si tu ne reviens pas, je vomirai mon rêve aux confins de mon désir. Mon rêve se mêle à une réalité que j’ai vécue. Ta réalité. La réalité de ton mensonge. De ton départ. De mon abandon. Pour d’autres fesses plus faciles. Tu n’es que fesses mon amour. Les miennes, je les sacre pour toi. Trompe-moi autant de fois que tu veux. Je te veux ainsi. Comme tu es. Comme tu me trompes dans cette flatterie qui m’a détruit. Qui me détruit encore pour fixer en moi l’idée de t’attendre. Viens même dans mon rêve m’explorer, me rendre folle comme tu l’as fait en un soir. En cette semaine qui n’a duré que l’instant d’un soir.

Je m’ouvre entière pour toi. Comme personne ne s’est jamais ouvert. Tu es le diable de l’amour et je suis ton disciple. Je me fais ton disciple pour que tu me laisses à l’ombre de tes infidélités pour l’éternité.

Bafoussam le 08 mars 2010

9 juillet 2010

Confessions de femme de Wakeu Fogaing

Marie Claire

Dans la foule il y a un homme qui vient de me toucher les fesses. Un lâche. Il faut le dénoncer. Un homme comme vous qui touche les fesses de n’importe quelle femme. Là dans la foule. Lâche et moche. J’ai senti sa main me toucher les fesses et quand je me suis retournée, il y avait la foule. Dénoncez ce malade. Ce n’est pas la foule que j’accuse c’est l’homme qui se cache dans la foule que j’accuse de me toucher les fesses. Il m’a touché les fesses. Il n’a pas touché n’importe où. Les fesses. C’est intentionnel.  Un homme qui touche les fesses d’une fille qu’il ne connaît pas doit être brûlé. C’est un violeur. S’il arrive à me toucher les fesses sans voir mon visage, sans me connaître, c’est qu’il peut violer sa fille. Il peut voir sa fille toute nue et fermer les yeux pendant que son sexe se lève. Comme la honte. On peut reconnaître dans la vie les parents incestueux. Par un geste rien que par un geste on peut imaginer la virilité coupable. Un toucheur de fesses.

Il y a dans la foule des hommes qui bandent. Qui ont envie de se faire n’importe quelle femme à la vue. Quand un homme touche les fesses d’une femme sans préservatif c’est grave. Il ne sait pas si je suis malade. Si je peux contaminer. Il touche pour son envie. Pour satisfaire une libido très violente. La lâcheté pesante. Quand il touche la fesse il pense que la femme va lui dire : viens étancher ta soif de con. Toucheur de fesses.

Dans la foule je vous dis un homme vient de me toucher les fesses pas au hasard. Il a mis de la volonté dans sa sale main qui violait mes fesses. Et le soir dans sa douche il va se branler du nombre des femmes qu’il a touché la journée. Et si au hasard sa fille passe, si une femme passe même sa sœur, il va fermer ses yeux et forcer l’entrer de son sexe dans le trou de la perversion. Le toucheur de fesses. Il a honte maintenant d’un geste qu’il a fait avec préméditation.je vois d’ici sa honte qui plane sur la tête des hommes de la foule. Des hommes qui me regardent. Qu’il se dénonce pour que je lui donne l’autorisation de toucher au grand jour. Sans voler, sans violer. Sans perversion.

Dans la foule là. En face de moi, il y a un homme que quelqu’un a vu me toucher les fesses. Lâchement. Quelqu’un l’a vu j’en suis sûr. Quelqu’un l’a vu et ne le dénonce pas. Lâchement aussi. Celui qui ne dénonce pas un violeur, un toucheur de fesses est un complice. Vous ne le dénoncez pas parce que je ne suis pas votre fille. Parce que je ne suis pas votre femme. Parce que le monsieur ne vous dit rien. Parce que je ne vous dis rien. Mais il vient de donner l’envie de me toucher à d’autres hommes qui vont s’exercer sur vos filles, sur vos femmes et je crois que sur vous aussi si vous avez le dos tourné. Un instant. Lâchement. Ils toucheront lâchement les fesses de n’importe qui sans se gêner de la lâcheté qui les conduit.

On n’est plus sûr de rien. Je suis sûr que dans la foule il regarde. Il regarde bien d’autres fesses qu’il a envie de toucher mais il n’ose pas. Pour le moment. Rien que pour le moment. Et je vous assure que personne n’est à l’abri.

Mirabelle

Cet homme mort n’est pas un homme. C’est une télé. Un téléspectateur si vous voulez. Cet homme mort n’est pas mort. Il se prive de la télé tout simplement.

Je le vois dans sa vie de mort réclamer la télé. Ou un match de foot. Chez les morts il ne restera pas s’il n’y a pas la télévision. Sans télévision il ne peut rester nulle part. Sans télécommande aussi. Il n’avait pas de vie. Il voyait sa télé comme une vie.

Il rentrait le soir pour s’assoir. Il passait la journée à son travail et ne rentrait le soir que pour s’assoir. Depuis que je suis mariée avec lui, il sait mieux faire ce qu’il fait tous les soirs, s’assoir.

Dès qu’il ouvre la porte, il regarde déjà le fauteuil qui porte son derrière. Je le regarde. Il regarde le fauteuil et répond absent à mon salut à mon regard d’amour. Je le regarde regarder le fauteuil. Avec amour il contemple ce fauteuil ancien qu’il a mis exprès en face de la télé. Avec les télécommandes à la main, il manipule le décodeur et le téléviseur toute la nuit. Son repas lui est servi à son fauteuil. Mon mari. Mon vrai mari. C’est aussi sur son fauteuil que le sommeil vient le bercer au son de la télé qui hurle toute la nuit. Il ne me touche pas. Il ne me regarde pas. Mais il me parle. Quand il veut un verre d’eau, il crie : un verre d’eau ! Et je comprends que c’est à moi qu’il s’adresse. Quand on sonne à la porte et je traine, il crie : ouvre cette putain de porte ! Et je comprends que c’est à moi qu’il s’adresse. Mon mari me parle encore. Sans me regarder. En touchant ses télécommandes.

Mon mari s’est d’abord marié à son téléviseur. Quand le téléviseur est en panne c’est la tristesse à la maison. Et sa présence se remarque tristement par les voisins. On sait à deux cents mètres à la ronde qu’il est là quand la télé est en panne. Quand la télé marche mon mari est absent. Absent à la maison dans son fauteuil en face de la télé avec les télécommandes à la main.

Je sens souvent le vide qui me touche. Quand il est absent. Quand j’ai envie qu’il me touche le sein la fesse. Je me soûle du besoin de l’envie que j’ai de voir sa main me toucher, me tenir ferme et je ferme les yeux en face de lui pour vivre ce plaisir énorme qui naît du désir. Et mon mari passe. C’est le fauteuil sa destination. Et il touche les télécommandes quand j’ouvre les yeux que son absence méprise.

Mon mari est marié au foot. Il jouit tout seul dans le fauteuil quand passe le match à la télé. Il regarde de toute son attention les courses folles du ballon et des joueurs dans la télé qu’il aime. La main dans sa culotte. Il regarde la télé une main toujours dans la culotte. Et moi, à quelques mètres de lui, je le regarde vivre l’extase de sa joie dans mon abstinence conjugale.

Sa sœur était venue me voir un jour au lycée. Je ne la connaissais pas sa sœur. Un jour au lycée j’ai vu venir à moi une femme. Elle s’est mise en face de moi et m’a regardée longuement. D’un regard profond, d’un regard qui envahit l’esprit de l’être regardé. Et elle a dit : mon frère veut une femme. Pour mon frère aussi je veux une femme. Ne me chasse pas s’il te plaît tu es bien pour mon frère. Mon frère est seul et ne dérange pas.

J’ai dit : si ton frère veut une femme, qu’il vienne le dire à la femme. J’ai dit ça et je suis partie. Je suis partie je vous jure corrompu par le regard de cette femme. Et j’ai parlé de ça à ma mère. J’ai parlé à ma mère de cet homme qui voulait une femme. De cet homme que je ne connaissais pas et qui voulait une femme. Et ma mère m’a blâmé d’avoir laissé partir la sœur de cet homme qui voulait une femme et que je ne connaissais pas. Et la nuit est tombée sur la rage de ma mère qui parlait toute seule dans sa cuisine comme si j’avais raté le rêve de ma vie. Et mon père a entendu ma mère se plaindre de moi. Le lendemain matin, sans dire mot, mon papa est partie sans me donner l’argent de poche. Le jour pour moi était pareil mais sans argent de poche quelque chose me manquait. Papa pour la première fois depuis six ans que je suis au lycée me laissait sans argent de poche. Et ma mère l’a laissé faire.

Mon mari me touche quand je ne veux pas qu’il me touche. Il me touche toujours quand il ne peut pas regarder la télé. Quand il rentre soûl et ne peut pas vivre l’amour qu’il a pour son fauteuil et ses télécommandes. Mon mari me touche toujours dans l’ambiance de l’ivresse. Et son odeur de bière parfume mon corps de femme méprisée. Dans une violence il me déchire. Déchire ma robe, déchire ma culote. Ivre de violence il me prend de manière incertaine dans la méconnaissance alcoolique. Mon mari me tient de ses mains froides, me sert douloureusement contre lui, me consomme avec brutalité et m’oublie aussitôt quand le sommeil l’emporte.

Vous ne pouvez pas accuser une femme qui n’a rien fait. Une femme qui vit la hantise du bruit de la télé tous les soirs. Une femme qui vous dit la vérité.

Je l’avais vu pour la première fois sur la route du lycée. Avec le regard de sa sœur, le même regard que sa sœur, il m’a tenu. Par son regard il a dit son envie. Et j’ai cru voir en cette envie un désir que je cherche depuis toujours.

Il a dit le lendemain du regard de sa sœur sur la route du lycée, qu’il me voulait pour femme. Qu’il me voulait auprès de lui pour la vie. Et non pour la télé. Il n’était pas soûl je vous jure. Il avait sur moi et pour moi un regard qui tourmente l’être regardé. Sans ivresse. J’ai vu dans son regard d’homme le battement de son cœur ce jour là. Rien que ce jour là. Et je l’ai emmené voir ma mère qui boudait ma liberté. Et il a vu mon père qui, content, à recommencer à me donner l’argent de poche. On avait parlé de tout ce jour là sauf de la télé. Et après le bac, on m’a conduit chez cet homme qui ne me regarde plus quand il regarde sa télé. J’aime mon mari par prescription. Je veux qu’il me touche sans prescription. Mais il ne sait pas toucher mon sein, ma fesse, ma tête mon dos. Il me tient souvent par le bras et me déchire à rage d’alcool.

Mon mari aime sa télé depuis toujours. Plus que tout. On ne fait pas de blague sur la télé à mon mari c’est un crime. Avec moi il ne partage que la rage de l’ivresse. Je ne sais pas si l’envie lui vient de me dire qu’il m’aime. Qu’il veut me prendre. Etaler sur moi la douce caresse sensuelle. Je ne peux pas le dire. Je ne sais pas. Mon mari me déchire le cœur, le rêve, le désir de se sentir toucher. Quand il me touche c’est involontaire. C’est par ennuie. S’il ne s’ennuie pas, il ne me sert pas douloureusement contre lui. Les soirs de télé sans foot. Avec le foot il ne s’ennuie jamais. Il vit la jouissance et le plaisir. Le plaisir de la balle qui court entre les cuisses des joueurs. La sueur qui colle le maillot à leur corps. C’est ce qu’il regarde. Ce qu’il rêve de voir chaque fois qu’il allume sa putain de télé en face sur son fauteuil de con. Il m’ignore. Je suis un meuble. Un tableau muraille qui reste dans un coin de la maison qu’on ne regarde jamais.

Je ne suis pas coupable. Je n’ai rien fait. Je ne peux pas avoir fait cet acte qui me condamne. Je n’ai pas de regret. Je reste fidele à l’amour que j’ai pour mon mari. Il est fidèle à sa télé. Très fidèle. Même les femmes du quartier disent qu’il ne les voit pas quand il passe.

Depuis que je suis entré dans cette maison, il s’assoit. Dans sa maison il s’assoit. Quand il est dans sa maison, il est assis. Il se lève quelques rares fois pour aller aux toilettes. Et je l’attends là à la sortie des toilettes avec mon désir, mon envie. Il sort et passe. Je veux qu’il me tienne comme quand il est soûl et il passe. Sans me donner son regard du premier jour. Sans voir que je suis là dans le pétrin de l’envie. Mon père avait dit : tu seras heureuse. Tes études ne te serviront à rien. Un homme te veut et c’est ton bonheur. J’entends encore la parole de mon père qui a jugé mon homme à la grosseur de sa voiture. Il prend soin de moi comme on prend soin d’un néon. D’un tapis. D’ailleurs je ne sais pas.

Plusieurs fois dans la nuit je me suis touchée. Confondant ma main à la sienne, je me suis touchée dans mon lit de couple, frottant mon corps nu sur le lit insensible. Mon corps de femme mariée qui sait son mari sur un fauteuil en face de la télé. Un soir de foot. Une nuit de foot en écoutant le rire jouissif de mon mari sur son fauteuil. Ce soir de foot j’ai brisé l’abstinence de mon désir conjugal en me touchant moi-même. Et mon corps en contorsion nageait dans l’ivresse du délice sensuelle. Je me frottais sur le drap. Dans mon lit de femme seule. Je me frottais jusqu’au vouloir. Jusqu’à la rage qui me mit debout. Je pris à la cuisine le pilon et j’écrasai le crâne de cet homme qui jouissait de son foot. 

Si quelqu’un à un diable en lui, il faut le libérer du diable. En cassant la télé, il aurait acheté une autre.

Germaine

J’ai le droit de parler. Ça ne va pas dans le corps de mon mari. Je vous jure que ça ne va pas. C’est difficile à dire. La honte. Comment dire aux gens que je suis à bout de force ? Comment ? Une femme en proie à un homme n’est pas toujours écoutée. Ecoutez-moi je vous en prie.

Quand il entre à la maison je suis finie. Totalement finie. Il me regarde et ne voit que moi. J’ai beau lui dire que je suis privée il n’écoute que son envie. Il bondit sur moi et je le sens au centre de mes entrailles. Infatigable. Mon mari ce n’est pas un homme. Une machine sexuelle. Voilà ce qu’il est. Mon mari se charge du désir sur moi. Infatigable. Je peux me tordre de fatigue, crier de fatigue, pleurer de son plaisir qui ne finit pas. Il s’en fout.

L’autre jour il me dit : le rôle d’une femme c’est baiser ! Ouvrir ses jambes, son corps ; tout son corps pour son mari et se taire. Un blanc ne dit pas ça. Moi non, je ne me tais plus. Je refuse de me taire quand j’ai mal. Sans le travail qu’il fait, il ferait l’amour tout le temps. Le dimanche il ne veut pas me quitter. Toute la journée. Toute la nuit aussi. Le lundi je suis finie. Tous les lundis je suis finie. Le weekend c’est la totale. Je n’ai plus honte de dire.

Quand il est arrivé ici, il m’a dit qu’il était français. Un vrai français. Je me suis donnée à cet homme qui me disait être français. Un français ne fait pas comme lui. Un français caresse avec douceur. Touche avec délicatesse. Celui-ci non. Il fonce comme un taureau. Toutes les autres femmes qui ont un français de mari ne se plaignent pas. Moi je me plains. Un blanc n’est pas toujours français. Le mien est né à Plougastel. Un douze mai. J’ai vu ses papiers. Il est né à plougastel. En Bretagne. Il est breton. Né en Bretagne. On ne peut pas être breton et dire qu’on est français même si on naît à Paris. Les bretons sont infatigables. Quand il finit de faire l’amour, il baise. Il n’a même plus besoin de mon consentement. Il baise tout seul. Il viole le corps qu’il tient pour objet de son insatiabilité. Je me tors sur lui sous lui. Il est ivre et n’écoute que son désir de breton. Un breton fait l’amour comme six français. De tous les blancs qui viennent ici, je suis allée tomber sur un breton. Par amour de la peau. De sa peau. Il me tient par les cheveux. Me suce jusqu’à la lie de son extase. Après il récupère très vite. De ma vie de femme je vous jure de toute ma vie de femme je n’ai jamais vu un homme récupérer aussi vite qu’un breton. Un Breton né en Bretagne. A plougastel. Par nuit il ne dort que cinq minutes. Cinq que je mets à profit pour éteindre son feu sexuel. En vain. Un breton n’est pas un amoureux. C’est un obsédé. Il voulait m’amener chez lui j’ai refusé. Si sous la chaleur il est si chaud, sous le froid il ne va pas arrêter de se chauffer. Je ne suis pas un four de chauffage quand même. Je veux bien aller chez les français pas chez les breton. Pas avec un breton.

Pauline

Tu veux que je parle de ma vie privée. Tu veux que je raconte mon intimité. La profondeur de mon intérieur. Pourquoi tu t’intéresses à ma vie privée ? Ma vie privée m’appartient. C’est mon jardin secret. Je ne veux pas partager. Je ne réponds pas aux questions concernant ma vie privée. Je me sens nue. Quand je parle. Nue. Qui es-tu ? Pas de ma vie privée quand même. Qui es-tu pour que je te parle de ma vie privée ? De la nudité de ma façon d’être ? Je me suis vue bien dans ma peau. Au miroir. Devant le miroir je me suis vue bien dans ma peau. On peut avoir une vie boiteuse et rester bien dans sa peau. Dans ma chambre. Je ne sors pas mais je me sens bien. Ce n’est pas lui qui fait ma vie. Ce n’est pas lui qui me fait. Je suis indépendante. Même quand je vais mal, je suis indépendante. Je ne partage pas ma vie privée. C’est ma nudité et je ne la veux pas public.

C’est grâce à mes minis jupes qu’il est devenu fou de moi. Mon corps sexy. Mes minis robes. Plusieurs fois dans la rue il m’a suivi. En mini jupe. J’étais toujours en mini. Toujours en sexy. J’adorais ma peau dans de petits vêtements. Devant mon miroir.

Plusieurs fois dans la rue je l’ai vu baver. Accrocher son regard sur moi. Me manger des yeux. Grâce à mes minis. Quand j’ai répondu à son sourire, il venait chez nous tous les soirs. Il venait avec la voiture de son ami.

C’est avec la voiture de son ami qu’il est venu me voir chez mes parents le premier soir. Il planait dans un romantisme à la hauteur de mes minis. J’étais en petite robe ce jour là. En petite robe bleu.

S’il n’était pas en voiture, je ne vois pas comment.

Il m’a invité à m’assoir dans la voiture. Sans la voiture il ne m’aurait pas invité à m’assoir. Je ne pouvais pas partir avec lui. Non.

Il est venu exprès avec une voiture qui contient le siège où il pouvait m’invité à m’assoir. Je ne vois pas comment je pouvais m’assoir sans voiture. Je serais rentrée chez nous, dans ma chambre m’assoir sur le lit, sur mon lit et le laisser sur la route s’il était venu sans voiture.

Pendant quinze minutes il a parlé. Il a dit beaucoup de choses en quinze minutes. Je ne sais pas si je l’écoutais. Je ne sais plus. Je contemplais la voiture de son ami. Pour la première fois quelqu’un m’invitait à m’assoir dans la voiture. Dans une voiture venue exprès pour que je m’asseye. Pour m’inviter à m’assoir.

Il racontait ses sentiments sans me laisser le temps de voir la voiture. Le silence est venu briser l’harmonie de son envie. J’ai entendu mon siège se coucher avec moi. Il avait pressé un bouton pour que mon siège se couche. Je ne savais pas avant que le siège de la voiture se couchait. C’était extraordinaire.

Ses lèvres sur les miennes. Sur un siège de voiture couché. Un siège couché grâce à un bouton touché peut-être au hasard je ne sais pas. Sans la voiture je ne vois pas comment.

Sans la voiture. Il ne pouvait presser un bouton que dans la voiture. Il ne pouvait mettre ses lèvres sur les miennes que sur un siège couché de la voiture en pressant un bouton waouh !!!

C’est ma nudité que je raconte. Pourquoi je te parle de ma vie privée. Tu te tais. Depuis que je parle tu te tais. Je ne partage pas ma nudité. La joie. La joie du siège d’une voiture. On partage ça. Il m’a touchée. Dans l’empressement de son désir qui excitait le mien, il m’a touchée là. Sur le siège d’une voiture fermée. Un siège couché par un bouton waouh !!!

Ce jour j’étais en robe bleu. En petite robe bleu qu’il a levée sans demander mon avis. Sur moi. Sur le siège couché de la voiture.

Tu veux la vie privée ? Je te donne ma vie nue. Ma vie que je garde en secret dans mon intérieur.

Dans une Toyota. Une starlette de la forme d’une femme, j’ai connu l’amour ce jour devant le portail de mes parents. Heureuse. Pas consentante mais heureuse. Les autres jours j’attendais. J’attendais la voiture, la starlette de l’ami de ce gars fou de moi. J’attendais pour m’assoir. Surtout pour m’assoir sur ce siège qui s’étale au toucher d’un bouton que je ne connais pas. J’attendais qu’il vienne. Qu’il ne dise rien. Qu’il me prenne à volonté dans la voiture. Devant la barrière de mes parents. C’est extraordinaire.

Après c’était la folie. La folie totale. Le capot. Sur le capot. La folie sur le capot de la voiture. Je ne savais qu’on pouvait faire ça sur le capot. Avec mon dos collé sur la tôle de la voiture starlette, devant la barrière de mes parents, sans savoir comment j’ai crié : épouse-moi !!! Le plaisir.

Le plaisir vous fait dire des choses je vous jure. Mon cri est venu de l’intérieur. Du centre de mes reflex. Du centre de la folie qui vous emporte parfois. Sur le capot de la starlette. Grâce à mes minis.

Et puis ce n’était plus pareil. Dans sa maison c’était dégoutant. Il a brûlé mes minis. Une femme mariée ne met pas de minis. Pourquoi ? Dis-moi pourquoi une femme mariée ne met de minis ? Est-ce qu’il y a des vêtements réservés ? Tout le monde me voulait en robe longue. En robe de mariée. Tout le temps. Le lit c’est le malheur du mariage. Surtout quand on a connu le siège et le capot avant. Au lit on n’est jamais ivre du désir. Je vous jure qu’au lit je n’aurais jamais crié : épouse-moi. Jamais.  Sans minis il n’avait plus la même envie. Sans cette envie je ne l’aurais pas laissé me prendre. Jamais. Sans voiture. Devant la barrière de mes parents. Jamais.

Une femme mariée ne fait pas l’amour dans la voiture. Pourquoi ? Dis-moi pourquoi une femme mariée ne fait pas l’amour sur le capot de la voiture ? Est ce qu’il y a un plaisir réservé ?

Un soir en robe de nuit sur le fauteuil j’ai attendu mon homme. Prête. En robe de nuit. Dans l’ivresse de l’envie. En robe de nuit.

Il est entré et s’est dirige tout droit dans la chambre. Sur le lit il m’attendait et dans le fauteuil je l’attendais. Une pluie tombait sur le toit. Une pluie qui dévoile le refus de l’insatisfaction.

Quand je l’ai entendu ronfler vers trois heures du matin, j’ai ouvert la porte et je suis partie à la recherche de ma liberté.

Solange

Je ne veux plus parler de lui. Je ne veux plus. Parler de lui ; c’est lui donner de l’importance. Il n’en mérite pas. Il ne mérite pas le moindre attardement sur son cas. Sur sa personne. Il ne mérite rien.

Quand il était venu me voir pour la première fois, j’étais heureuse. Heureuse parce que j’avais souhaité des années durant qu’il vienne un jour à moi. Finalement il est venu à son temps voulu. Après que sa belliqueuse de femme soit partie. Il est venu. A son temps voulu. Après une douleur.

C’est parce que sa femme est partie qu’il est venu m’aimer. Il ne m’a aimée que parce qu’il n’avait plus de femme. Dans la douleur. Les hommes sont méchants je confirme. Chaque soir il venait comme un malheureux me voir. Il frappait nonchalamment à ma porte et j’ouvrais pour lui sourire. Je lui donnais ma bonne humeur, on partageait mon repas et après il dormait dans mon lit. Il ne dormait pas seul dans mon lit. J’étais obligé de rester près de lui. Près de sa douleur. Cet homme que j’ai aimé, je le déteste aujourd’hui. Je l’ai aimé quand il était avec sa femme. Je l’ai longtemps aimé en priant pour que sa femme le quitte. Et sa femme l’a quitté. J’ai seulement prié et sa femme a compris qu’elle n’était pas faite pour lui. Je n’ai rien fait d’autre que prier. Prier pour qu’il vienne vers son bonheur. Je me suis donné à lui sans réserve. Les hommes son méchants je confirme. Chez moi il ne manquait de rien. Pour qu’il n’aille pas boire au bar, je chargeais chaque soir mon frigo de plusieurs bouteilles de bière. Pour sa douleur. La bière permet aux hommes d’oublier. On ne peut pas aimer un homme. Il buvait chaque soir mes bières en me disant des mots doux. Je croyais qu’il était sincère. Qu’il perdait le passé. Je ne cherchais pas à savoir si c’est sincère. Je l’aimais c’est tout. Je lavais ses pieds et le massait le soir avec des baumes essentielles. Il nageait dans le bonheur et me disait n’avoir jamais connu cette attention. Je vous confesse sa confession.

Pourquoi je parle de lui ? Je peux encore être aimé. Je ne dois plus parler de cet ingrat qui m’a quittée à la simple vue de ma cousine. Il a regardé ma cousine. Ma sale cousine comme une déesse. Il ne m’avait jamais regardée comme ça. J’ai vu dans son regard quelque chose d’étrange. Quand il regardait ma cousine, je le regardais. Il ne voyait même pas que je le regardais regarder ma cousine. Après tout ce que j’ai fait pour lui. Pour qu’il ne sente pas le poids du départ de sa femme, il a regardé ma cousine. Je ne sais pas ce qu’est venue faire ma cousine chez moi. Nous avons passé une nuit merveilleuse et c’est ma cousine qui est venus frapper le matin. Elle ne vient jamais chez moi le matin ma cousine. Il y a des jours malheur. Et l’histoire est terminée. L’histoire qui était si belle la nuit est terminée. Il a hypnotisé ma cousine de son regard et comme une momie elle l’a suivi sans parler.

Il a dit : « ta cousine est un fleuve qui m’emporte » et il est sorti. Il n’a dit que ça et il s’est noyé dans le fleuve de m’a cousine qui n’a pas raté l’occasion.  Depuis trois mois j’attends que le salop revienne. Qu’il ait une autre douleur. Qu’il frappe nonchalamment à ma porte pour que je lui donne son bonheur. Pour que je masse ses pieds en les lavant. Il s’est enfermé chez lui avec ma cousine. Elle est déjà enceinte ; la saloppe. Ma cousine est enceinte de l’homme que j’aime. Que je n’aime plus. Que je ne veux plus aimer. Je veux que cet homme quitte mon esprit. Je ne veux plus penser à cet homme. Je vais prier. Tous les soirs. Le matin, à midi. Prier et prier pour qu’il quitte ma cousine avant l’accouchement.

   

Jeanne

Il va me tuer s’il sait que je parle de lui. Je ne peux pas parler de moi sans parler de lui. J’espère beaucoup qu’on n’ira pas dire que j’ai dit ce que je vais dire.

Sinon je ne parle pas de moi. Comment parler de moi sans ouvrir ma page triste ? Je vais me taire. C’est mieux de ne rien dire que de taire ma douleur.

J’ai besoin d’un toit s’il vous plaît. J’ai besoin de ce toit. De son toit. De cette maison qu’il a construite ici et ne visite jamais. Depuis dix-huit mois.

Aujourd’hui ce n’est pas comme avant. Au début je ne savais pas que ça allait finir comme ça. On s’est connu quand il était à l’école de police. Dans la ville de Mutenguéné. L’histoire de notre rencontre fleurit mon passé. Dans cette ville on rencontre chaque jour des élèves gardiens de la paix. Comme un espoir. Des policiers en miniature. Des patriotes qui se forment pour poursuivre l’injustice.

Je ne sais plus s’il m’a parlé d’amour ou de lui. Mon policier.

Je ne sais plus de quoi on a parlé la première fois. Le silence chantait autour de nous le bonheur de l’éternité. La sensualité du présent. Mutenguéné.

C’est dans cette ville qu’il décidé de me prendre pour femme. Avec amour. Le feu dans son cœur d’ange. C’est dans la ville de Mutenguéné que j’ai vu mon cœur partir en joie vers l’amour. Vers le désir de cet homme qui me demandait ma main et ma vie avec.

Dans l’ivresse de nos envies, nous n’avons pas attendu l’accord de ses parents qui détestaient ma tribu ni de mes parents qui ne voulaient pas pour leur fille d’un homme en tenue. L’amour est beau quand on est à deux. Quand on est d’accord pour toutes les folies ensemble. 

Quand on l’affecté au service des gardes rapprochées, il était heureux de me dire que Dieu a écouté ses prières. Jamais il n’aurait voulu aller dans les commissariats où l’image de la police est celle de la charogne. Jamais ! Il voulait porter une tenue noble et loin de ceux qui ont déjà sali la leur. Mon mari m’aimait comme le centre de sa vie. Je l’aime encore.

Je ne veux pas parler de lui mais je l’aime encore. Comment vous dire que je suis mariée comment dire que je ne suis pas divorcée. Que je ne veux pas divorcer. Mon père n’a vu aucun de mes enfants. Mon père.

Et puis mon père est mort. Sans me pardonner. Et je suis allé avec ma deuxième grossesse à son enterrement. Mon mari ne pouvait pas à cause du boulot. Et puis on l’a affecté au commissariat central de Yaoundé. Il ne m’a pas dit. Je n’ai pas su que mon mari avait payé pour qu’on l’affecte au commissariat central. Après on est allé dans une maison plus grande. Et puis sans qu’il ne réponde à aucune de mes questions, il a équipé la maison. Le luxe venait comme une pluie nous mouillé jusqu’au plus profond de nos habitudes. Le commissariat central.

Son salaire n’avait pourtant pas changé. Ça fait mal de l’aimer encore.

Sans prendre de crédit à la banque, il a acheté un lopin de terre à Yaoundé. Un gardien de la paix. En deux ans seulement au commissariat central. Un lopin de terre. Sans crédit.  Mon mari ne me parlait plus de vertu. De la tenue qu’il ne faut pas salir. Qu’il ne voulait pas salir.

Quand en six mois il a fini de construire cette maison, ma mère est partie de Mutenguéné pour venir me voir dans ma maison. Ma mère qui ne voulait pas d’un homme en tenue au début. Ma mère qui n’était pas venue voir mes deux premiers enfants. Ma mère qui voulait m’aider pendant ma troisième grossesse. Pourquoi je vous parle de ma mère ?

Les heures d’entrée à la maison de mon mari avait changé peu à peu. Même quand le service finissait à 13 heures, il rentrait chez nous vers quatre heures du matin. Fatigué et soûl. Il ressortait à six heures en laissant sur le coffre du lit sept à huit mille francs toujours en pièces. Je ne voyais plus les billets. En lavant les tenues de mon mari, j’ai constaté que toutes les poches étaient renforcées avec des tissus plus durs. Juste pour que ça tienne avec les pièces. C’est comme si les banques ne payaient mon mari qu’avec les pièces. Cinq cents et cent francs. Pas de pièces jaunes jamais.

Et ma mère sortait souvent pour aller le voir au commissariat. Ma mère aime boire. Elle revenait soûle. Heureuse  que cet homme en tenue la laisse souvent au bar du commissariat pour aller travailler.

J’ai vu ma mère retrouver le sourire. Oublier la douleur du départ de mon père. Le matin elle faisait vite la cuisine et partait boire avec ses nouveaux amis policiers du commissariat central. Si mon mari sait que je parle de ça il va me tuer. Je vous jure qu’il déteste que je parle de ça. Et pourtant je l’aime encore. L’amour est bête. Mon amour est même idiot.

Le même jour que notre troisième fils est né, on a affecté mon mari au commissariat d’Obala. Pas loin de Yaoundé mais si loin de moi.

J’étais heureuse qu’on parte enfin de cette ville qui bouffe les cœurs. Cette ville qui a changé mon homme. Cette ville qui nous a mis dans le piège de la fortune et le monde des charognards.

Il est allé seul prendre service à Obala. Il y a passé trois jours et est revenu un peu différent. Très différent.

Il est reparti avec quelques affaires et ma mère qui l’attendait plus que moi.

Il est reparti à Obala pour montrer à ma mère son nouveau service et où il loge.

Je suis restée avec les enfants attendre que ma mère revienne. Que mon mari vienne me dire quand est ce qu’on part nous aussi. Un policier.

Mon mari n’est plus revenu et je l’aime. Un policier que j’ai connu à Mutenguéné. Il s’est installé à Obala avec ma mère et je l’aime. Il ne nous envoie rien. Rien pour ses enfants. Rien pour moi. Ma mère ne lui a pas dit de faire quelque chose pour ses petits fils. Rien ! Elle boit. Elle l’aime et boit avec lui à Obala depuis dix huit mois. Et j’attends. Sous ce toit, j’attends qu’il appelle. Qu’il demande si l’enfant qu’il a laissé à quatre jours de sa naissance va bien. C’est tout. 

Christine

Il est venu un soir alors que moi je ne joue jamais. Il est venu me sortir de la maison pour me dire de jouer. Depuis que je suis mariée je ne joue pas. Je pensais avant que le mariage est un jeu. Non c’est un travail domestique. On se marie pour faire le ménage, la cuisine et le lit. J’ai appris à comprendre que le mariage est un travail domestique pas un jeu. Tous les soirs mon mari est au bar. Après le travail il passe son temps au bar en face d’une bière à raconter sa journée aux ivrognes. Et moi dans sa maison, je fais le ménage. Je ne joue pas avec mon ménage. Je jouais avec lui quand on était fiancés. Aujourd’hui c’est différent. Je regarde la télé. Ce n’est qu’à la télé qu’on voit des hommes qui causent et jouent avec leurs femmes. C’est pour ça que je regarde la télé. Dans l’espoir que mon mari vienne me voir un jour comme les hommes qui sont dans les séries. Avant la tombée de la nuit. Voilà ma prière. Jouer avec moi. Me porter et me chanter un poème bien écrit. Mon mari est venu me voir avant la nuit pour me dire de lui donner six chiffres. Comme un jeu. Je lui ai dit que je n’avais pas six chiffres. Il a dit de lui donner au hasard six chiffres. Rien que six chiffres. Pour un jeu. Pas mon genre de jeu. Pendant sa sieste au bureau il a fait un rêve. Il a rêvé pendant sa sieste qu’il avait gagné le quinté avec les six chiffres que je lui ai donnés de ma main. N’importe quoi ! Je ne savais pas que mon mari dormait au bureau. Il a dormi au bureau jusqu’à rêver. Pour son jeu.

Quelle idée de croire à un rêve de sieste. Je n’ai jamais cru à cette idée de quinté. Le quinté obsède mon mari. Croire que les chevaux peuvent faire gagner de l’argent c’est une connerie. Et pourtant mon mari est venu me voir. Il m’a causé de son rêve comme les hommes qu’on voit à la télé. Il m’a tout expliqué pour que je comprenne. Je ne comprenais rien. Je le regardais se tuer à vouloir me convaincre. Pour la première fois je voyais mon mari déterminé. Pour le jeu. Sans que le soleil ne se couche. Pour la première fois depuis que je suis chez lui. Sans que le soleil ne se couche. Il voulait six chiffres. Pour le jeu. Rien que six chiffres pour aller valider son quinté. Pour les six chiffres, il est rentré chez lui avant la tombée de la nuit interrompre mon travail domestique. J’ai pris négligemment un papier et j’ai écrit dans le hasard de l’ordre la volonté de mon mari. Je n’ai pas mis de la volonté je vous jure. Juste le 13, le 4, le 11, le 6, le 7 et le 3. Six chiffres que j’ai donnés au hasard. Et le gars à gagné dans l’ordre. Il a validé mon hasard. Je ne comprends pas comment les gens peuvent faire gagner dans l’ordre, des chiffres donnés au hasard. Sans calcul.  J’ai donné à cet homme un ordre involontaire. Avec pression. Sa pression m’a fait choisir les chiffres de son bonheur. Il m’a convaincu.

Et il est parti. Quand les chevaux lui ont permis de toucher 27 millions, il s’est installé avec une autre femme. Loin de moi. Loin de la personne qui lui a donné au hasard avec amour l’ordre de l’ingratitude. J’ai commencé par le 13. Le 13 c’est le jour de la naissance de ma mère. Le 4 c’est le mien, le 11 c’est le jour de mon mariage, le 6 le jour de la naissance de mon premier fils, le 7 l’anniversaire de mon deuxième et le 3 c’est le jour de la naissance de ma fille chérie. Mes enfants ne le voient plus. A cause des chiffres que j’ai donnés. Ses enfants me demandent sans cesse où il est. Il est au pmu. Il vit son quinté dans les bras de la découverte. J’ai donné à mon mari ces chiffres que je n’oublie jamais. Au hasard. Sans préméditation. Et il m’a quittée pour une autre. Pour celle qu’il aime dans l’opulence. J’ai bradé les jours de naissance de mes enfants, de ma mère pour la rupture. Et Dieu a vu et m’a laissé faire.  Au plus profond de moi, j’ai sorti mes chiffres porte-bonheurs. Dans l’ordre. Pour mon malheur. Il n’est plus revenu. Est-ce qu’il va revenir ? Il ne va plus revenir. L’homme ne revient pas. Je ne crois pas qu’il revienne après un an déjà. Un an qu’il est sorti pour aller au pmu. A moins qu’il rêve encore des chiffres que je peux donner. S’il rêve il va revenir. L’homme revient s’il y voit de l’intérêt. Si dans ses siestes au bureau, il me voit en train de lui donner dans ma souffrance l’ordre d’un quinté gagnant, il va revenir. Avant le coucher du soleil. Avant la fin de la validation surtout.

S’il revient un jour pour d’autres chiffres, je vous jure que je lui donne n’importe quoi et dans le désordre.

Martine

C’est moi qui suis allée le revoir. Huit ans plus tard. Le chercher pour que son fils soit heureux. Huit ans plus tard. Il était si bien quand je lui ai dit que je portais son enfant. Il y a huit ans. Quand je lui ai dit que la soirée au bal avait mis en moi un être qui bougeait. Il y a huit ans. Il était riche au centre de son épicerie du village. Son orgueil de riche m’a chassée. Il a dit qu’il ne voulait pas d’un enfant conçut à vol d’oiseau. Sa phrase m’a touchée. Dans son épicerie, en faisant sa recette, il m’a dit d’aller hors de sa portée de vue à jamais. Je suis partie avec mon ventre qui prenait du volume. Je suis partie sur les chemins de l’incertitude. Et Dieu a guidé mes pas. Le seigneur a protégé mon corps et ma grossesse. Sa phrase me touchait. Comment peut-on concevoir à vol d’oiseau ? Je ne pouvais pas faire de visite prénatale. Mon fils est né dans la misère de sa mère et loin de cet homme qui m’avait enfourchée un soir de bal au village. Le 24 décembre. J’ai maudis ce jour pour de bon. Le 24 décembre dans l’ivresse de la fête de la nativité, j’ai connu un homme qui ne m’a plus reconnue.

Voilà que je suis allée le chercher. Pour que son fils le voit. Huit ans plus tard. Il était devenu entre temps une loque vivante. Un moins que rien attendant la fin de son sort. Le riche épicier. Pendant les villes mortes, il avait voulu faire fortune en ouvrant son épicerie. Il voulait faire le plein d’argent pendant les villes mortes. Les grévistes sont venus dans son épicerie le battre à mort et mettre le feu à toute sa fortune. Sa femme et ses deux enfants ont péri dans le feu. On a réussi à le sauver de justesse pour qu’il passe onze mois de pénitence à l’hôpital du village. Il s’est réveillé dans l’enfer de la misère. Le riche épicier. Sans rien. Avec des dettes qu’il n’a pas réussi à payer cinq ans plus tard.

Je suis allé chercher cet homme que je n’aime plus. Cet homme qui est tombé de sa richesse pendant que mon salon de coiffure me mettait debout. Je suis allée le chercher. Pour qu’il redevienne propre. Pour qu’il ait encore le goût de la vie. Pour qu’il ait encore la joie d’être père. Je suis allée chercher le père de mon fils pour le mettre dans mon lit. Parce que je voulais un autre fils. Parce que je voulais huit ans plus tard une autre grossesse de lui. Où de n’importe qui. Non ! Le même père pour mes enfants. Il est venu comme un agneau et j’ai pris soin de lui. Il est venu tout doux sans orgueil. Sans voix pour me dire d’aller hors de sa portée de vue à jamais. J’ai acheté pour lui de nouveaux savons. Une nouvelle brosse à dent. J’ai acheté pour lui de nouveaux vêtements. De nouvelles chaussures. Une crème pour adoucir sa peau. Il est redevenu beau et j’ai eu ma grossesse.pas à vol d’oiseau. Pas dans les toilettes d’un bal. Mais dans le lit d’une maison. A cause de ma grossesse, j’ai commencé à l’aimer. Mon fils était heureux d’avoir son père à portée de l’œil. Ma maison est devenue une famille.

C’est moi qui suis allée le sortir de son impasse pour lui donner un toit. Un fils et une femme. C’est moi qui lui aie donné le courage de rechercher du travail. Pendant ma grossesse il sortait tous les jours et moi je continuais à recevoir mes clients dans mon salon de coiffure. Heureuse de vivre avec un homme.

Il a fini par trouver un travail dans un super marché. Il a trouvé le travail et sa voix d’homme a recommencé à se faire entendre. Sa voix d’homme. Dans la maison de la femme. Ma maison faite de la sueur de ma main.

Quand il a pris son premier salaire, il s’est enfui avec la femme de mon voisin. La seule amie que j’ai eue quand je me suis installé dans le quartier. Il est parti. A sept mois de grossesse, il est parti sans attendre la naissance de son deuxième enfant. J’ai fait un autre garçon. Il a onze mois aujourd’hui.  Mes fils sont restés sans père et ma maison est redevenue monoparentale.   

Gertrude

Quand tu commences ta vie par la malchance, la cicatrice ne te quitte jamais. Je ne sais pas ce qui m’est arrivé au juste pour que je me trouve à ce point. Souffrant et pleurant tous les soirs.

C’était l’homme le plus gentil du monde quand je l’ai connu. Aimable, beau et galant à la fois. Je vous jure que c’est à tout cela que je me suis marié. A ce bonheur visible et vivable. Je me suis marié à cet homme parce qu’il savait me prendre. Dans la totalité du désir et de l’envie. Spécialiste du toucher sensuel. Spécialiste dans les préliminaires d’un après midi heureux. Peu d’hommes ont cette qualité. Plusieurs fois je suis allée au ciel d’amour grâce à lui. Avec lui.

La vie n’est pas juste. C’est très difficile de savoir si on va finir avec ce qu’on a commencé. Tout était si bien chez moi. Le départ de mon mari le matin était comme une déchirure. Un pincement de chagrin qui restait lourd jusqu’à son retour le soir. L’amour. Comment vous dire que cet homme m’aimait. Je l’ai vu me louer, m’adorer et vivre le bonheur d’être prêt de moi.

J’ai aimé mon mari. Je crois que je l’aime encore. Je ne sais pas si je me trompe.

Après le deuxième anniversaire de notre mariage, sa mère et ses deux sœurs sont venues le voir pour un conseil de famille auquel je ne pouvais pas assister.

C’était la première fois que je n’assistais pas à un conseil de sa famille. C’était la première fois qu’il me laissait dormir seule toute une nuit depuis notre mariage. C’était la première fois que je me réveillais le matin sans qu’il soit tout prêt de moi.

Debout, j’ai compris que pour la première fois il était parti sans me réveiller. Sans faire sa toilette. Sans que je n’apprête son petit déjeuner qu’il prenait toujours à la maison. Face à ses sœurs et sa mère, j’ai connu ce jour là un sentiment de culpabilité. Sans savoir ce que j’avais fait pour être victime ou coupable.

« Ça ne sert à rien de battre un tam-tam qui ne résonne pas ».

-         Notre frère n’est pas un jouet sexuel.

-         Ni un pêcheur malchanceux.

-         Mon fils vient de comprendre que lorsqu’un terrain n’est pas fertile, on doit aller mettre ses semailles ailleurs.

Pour la première fois devant ces femmes, je constatais que je n’avais pas fait d’enfant. En deux ans, on avait vécu heureux. Comme on vit pour l’éternité. Sans enfant. Sans penser à l’enfant. Intensément.

J’ai gardé mon silence devant l’affront de ma belle-mère. Et j’ai attendu mon mari. J’ai fermé les oreilles aux insultes de mes belles-sœurs pour que mon mari rentre vite le soir. Pour qu’il vienne le plus vite construire dans mon désir de faire un enfant. Ma rage de prouver à sa famille qu’il nous fallait seulement y penser.

Ce soir là, il n’est pas rentré comme d’habitude. Ce n’est pas lui qui est rentré ce soir là. Quand j’ai ouvert la porte qu’il frappait, j’ai vu un homme soûl qui ressemblait à mon homme. Mon homme qui ne rentrait jamais soûl.

Sans me parler, il s’est mis à me rouer de coups. Violent ! En criant comme si la douleur des coups qu’il me donnait lui transperçait le cœur. Je courais dans la maison sans savoir où aller ni que faire pour qu’il arrête de verser sa violence sur moi. Il est tombé au bout d’un moment et le sommeil l’y a rejoint dans sa chute.

Notre bonheur a pris un coup de vieux ce jour là. Ce soir là. Il est tombé soûl au milieu de la maison et toutes ses qualités se sont dissoutes dans les urines qui mouillaient son pantalon pendant son ronflement dans un décibel haut.

Plus rien n’a continué comme avant. Ses envies étaient froides. Son sourire réservé, son regard absent.

Comment pouvions-nous faire un enfant dans cet état ? Plus jamais l’homme qui m’a épousé n’est venu à moi. Je dormais avec un homme différent. Je couchais avec cet homme différent et dans ce doute et ce manque de confiance, je ne pouvais pas concevoir.

Il est venu à la maison un soir avec une femme. Et c’est moi qui étais contrainte de prendre le canapé pendant que le monsieur sans explication avec son invité faisaient la fête de la nudité dans notre lit. Il est venu ce soir là avec la rage de me tuer si j’ose faire quelque chose. Il est venu avec préméditation et je n’ai pas réagi. Je ne sais pas si j’ai eu tort.

Il est venu encore et encore plusieurs soirs de la même façon. Toujours avec des femmes qui me regardaient comme un truc épuisé. Son amour pour moi était fini. Je n’ai pas vu venir la fin. Personne n’a vu la fin de cet amour qui est parti finissant dans les décombres d’une stérile volonté.

Je suis partie de cette maison où on ne me voyait plus. Indésirable. J’ai quitté à contre cœur cet homme qui m’a fait vivre le bonheur, l’amour. Je suis partie pour ne pas mourir de chagrin. Pour ne pas le voir chaque jour souffrir de n’avoir pas le courage de me dire de partir. Je suis partie la main sur le cœur qui battait très fort. Avec l’espoir qu’il vienne me chercher un jour. Qu’il vienne m’aimer encore. Il m’a oubliée. Avant même mon départ je n’existais plus.

J’ai enterré mon amour pour lui dans la souffrance de deux ans d’attente. Coupable de n’avoir pas eu d’enfant. Coupable de n’être pas à la hauteur des autres femmes. Et puis un homme est venu vers moi. Maladroit comme aucun autre homme. Un puceaux vraiment puceaux à trente deux ans mais fécond comme un microbe. La seule fois qu’il m’a vendu sa maladresse, je suis tombée enceinte. Et la joie de ce présent a noyé mon passé triste.

Trois mois après la naissance de ma fille, j’ai conçu encore. Mon mari était à sa quatrième femme après moi. Sans enfant. Violent de plus en plus.

Pendant ma deuxième grossesse il est venu me voir. Alors que depuis mon départ il n’avait pas cherché à me rencontrer.

Sa mère aussi est venue me voir. Pour que je redonne vie à son fils. Je lui ai dit que je suis un tam-tam qui résonne et je ne supporterai plus de vivre avec un batteur qui ne sait pas me faire résonner.

Quand la semence n’est pas bonne, il ne faut pas accuser la fertilité du sol. En six ans, j’ai fait cinq enfants. Loin de l’homme que j’ai aimé comme plus jamais.

Madeleine

On peut me dire tout ce qu’on veut. Tout ce qui méprise et humilie je ne regretterai pas ça. La seule chose que je regrette c’est qu’aucune femme ne veule se mettre à ma place pour comprendre. Je ne suis pas une malade. Je suis une femme pas particulière plutôt aux envies excessives.

Tous les hommes que j’ai connus m’ont connu comme ça. J’aime faire l’amour  ce n’est pas un crime. J’aime faire l’amour. Tous les jours si possibles. Même plusieurs fois par jours ça ne me gène pas.  Mon mari m’a connue comme ça. Quand cela lui plaisait, on faisait ça n’importe où et n’importe quand. Pas une seule fois pendant les cinq ans qu’on a mis avant de se marier on n’avait fait l’amour dans la chambre. Pas une seule fois je vous dis. Quand c’était dans une maison, c’était au salon, sur la table à manger, à la cuisine, sur le tapis, aux toilettes. Jamais sur le lit. Plusieurs fois aux toilettes. Beaucoup de fois à la cuisine. Parfois je commençais la cuisine et ne finissais pas parce qu’on passait très vite à cette autre chose qui durait des heures.

Quand je l’ai connu, il était efficace. Très efficace. Disponible chaque fois que je suggérais mon envie de…

Après il a demandé ma main. Très vite il a fait un mariage à la taille de l’amour qu’il avait pour moi. Le jour de notre mariage, on est allé aux toilettes tous les deux. C’était inoubliable. Des heures aux toilettes à se tenir d’envies. De rages. De plaisir interminable.  On ne voulait plus sortir des toilettes. Tout le monde nous attendait dehors pour commencer la cérémonie. Le prêtre était prêt depuis une heure et nous dans les toilettes de l’église, on allait au ciel dans l’ivresse d’une jouissance interminable. Le jour de notre mariage…

Quand on a mis nos alliances, il a cru qu’il ne devait plus me manger avec gourmandise. Il s’est mis à faire l’amour comme un civilisé du futur. Plus de rage. Sur le lit. Une seule fois tous les deux jours. Non même pour sevrer un enfant, on s’y met progressivement.

Même les dimanches jours de repos, il voulait se reposer de moi. Tout près de moi. J’avalais la salive de mon envie et lui il ne faisait rien. Je faisais la cuisine du début à la fin sans qu’il ne vienne me déséquilibrer de passion. On a mangé une centaine de fois à table sans interrompre le repas pour faire l’amour. Là j’ai compris que mon mari était envouté. Comme on l’avait changé.

Quand tu connais quelqu’un, tu le connais. Un jour j’ai enlevé mon corsage pour passer devant lui au salon. Les seins nus. Il m’a vu je vous jure. J’ai secoué ma poitrine provocante. Il m’a regardé et ce qui a suivi après son regard n’était pas l’effet attendu. Une catastrophe. Le pire des catastrophes. Il a continué à regarder le journal à la télé. Je suis rentré pleurer à la cuisine.

On peut dire tout ce qu’on dit de moi, je ne regretterai pas ce que j’ai fait. On ne change pas sa nature du jour au lendemain. Avec un simple papier d’état civil.

Le lendemain j’ai regardé le chauffeur comme je regarde mon mari. Un regard d’invitation et de désir. Quand il l’a conduit au bureau, il est revenu à la seconde et dans les toilettes je suis reparti au ciel comme le jour de notre mariage. Je lui ai fait après les toilettes un petit-déjeuner de récupération et nous avons fini par un dessert charnel et sensuel à la cuisine. Le bonheur de la cuisine n’est pas comme les autres. Ça sent l’arôme de toutes les épices qui s’y trouvent. Nous avons dormi à même le plancher de la cuisine après le bonheur. C’est mon mari qui nous a réveillés en téléphonant à son chauffeur. Le téléphone coupe le bonheur je vous jure. Il faut toujours l’éteindre quand veut s’évader du monde.

Paul m’a quitté ce jour là en promettant qu’on remettrait ça demain. Il est devenu soudain à mes yeux le chauffeur le plus utile du monde. Il était polygame de trois femmes mais on s’en fout du moment qu’il peut faire des heures supplémentaires de plaisir.

Mon mari est revenu me trouver joyeuse et dans le chant des mélodies sentimentales. J’étais à l’aise au centre de mes sentiments. A l’aise pour la nuit.

Le lendemain, Paul es venu à l’heure. Comme une prescription médicale. Et j’ai voulu que ce soit sur la table à manger. Comme avant mon mariage. Paul était surpris de mes envies qui le rendaient de plus en plus fou de moi. Il n’avait pas connu ça avant. Il était toujours classique chez lui. Sur le lit. Toujours sur le lit. C’est manquer d’imagination. Chaque nouvelle imagination coefficient l’énergie qu’on a au début.

Paul était en forme. Comme je veux. Comme j’aime. Chaque fois qu’il venait, un désir sauvage se réveillait en lui.

Un soir mon mari était en train de regarder son journal au salon. Paul n’était pas parti. Je réchauffais le repas et Paul m’a trouvé à la cuisine. C’était plus fort que nous. La folie comme le jour de notre mariage. J’ai fermé la porte de la cuisine et Paul s’est manifesté comme un cheval au désir qui nous troublait.

Au lieu de continuer à voir son journal comme d’habitude, mon mari est venu casser la porte de la cuisine pour nous troubler dans notre voyage. On était fou.

J’ai défendu Paul que mon mari voulait frapper. Et nous sommes partis nous continuer ailleurs. Toute la nuit.

Qu’est ce qu’on me veut ? J’ai commis quel crime ?

Le matin je suis allé chercher mes affaires chez cet homme qui ne me veut pas heureuse. On raconte tout ce qu’on veut. Je m’en fous. Je suis la maitresse de Paul et je ne me plains pas de lui… pour le moment.

9 juillet 2010

je me libère de moi de wakeu Fogaing

Textes écrit pour Noubissi Tchoupo (Louis Marie Armstrong)

Compagnie Feugham Bafoussam Cameroun

1 - Ma peau et le drapeau

Quand je suis sous mes draps, je pense au drapeau.

Sous mes draps je sens ma peau en sécurité. Même sans déclaration d’amour. Je ne risque pas ma peau sous les draps mais sous le drapeau c’est sûr. Surtout quand la démocratie prend les ailles de la monarchie.

Mon pays a quoi ? Un drapeau ou une peau ?

Et puis personne ne pense plus au drapeau. Chacun veut le pouvoir. Pour la vie.

Pas pour voir ce qui manque mais surtout pour augmenter son pouvoir d’achat. Et sauver sa peau. Dans le parapluie de l’impunité.

Le drapeau peut rester sous la pluie du moment qu’on protège sa peau. La ruine du drapeau c’est la ruine du pays. Mais il y a l’alternative de changer de nationalité. Dans une nouvelle peau.

Quand je suis sous mes draps, je pense au drapeau. Ma peau sous les draps ne risque rien pour le drapeau. Le drapeau se brûle au soleil de la honte quand nous sommes sous la climatisation de magouille.

En honneur au pillage, on méprise le drapeau. Le pouvoir du drapeau n’est pas celui du luxe. Au service du drapeau on ne sert pas sa peau en voyant le pays  tombé à l’honneur de sa ruine. C’est choisir le célibat et violer les enfants dans les temples du silence.

Vendons tout il ne nous restera que l’argent. Même plus un drapeau pour le pays. Est-ce que ceux qui nous ruinent sont de chez nous ? Est-ce qu’ils servent le drapeau ?

Je bois mon pot d’impôt pour hydrater ma peau. Pendant que le drapeau perd ses eaux dans le déboisement  de son trésor.  Quelle réaction avoir ? À la mangeoire on se tait en laissant le drapeau perdre ses couleurs. On enrichit sa peau en exportant les rêves.

Je pisse partout quand je vois le luxe honteux de ceux qui protègent le drapeau. J’ai tous mes droits. Surtout que mon pays porte le trophée de la corruption à l’ombre de son drapeau.

2 - Je commençais déjà à me comprendre

Pendant des années j’ai cherché à savoir qui je suis. Je voulais me comprendre. M’identifier ! J’arrivais bien à comprendre les autres mais moi ; zéro !

J’ai d’abord pris mon acte de naissance et j’étais surpris de voir mon âge. Je vous assure que j’avais un âge comme tout le monde. Mon âge était déjà l’âge de la maturité. J’ai cherché où était passé mon âge de l’adolescence. Je n’ai pas trouvé. Sur la carte d’identité qui était dans mes papiers, j’ai vu ma photo. Je ne comprenais pas comment et quand j’ai pu me faire une photo. J’ai voulu voir ce que je fais dans la vie. J’ai vu profession : Bavard. j’avais pour profession bavard. Qui ne bavarde pas ? Ça veut dire que tout le monde a une bouche et c’est moi qui bavarde à leur place ? Mon salaire c’est combien ?

Et puis j’ai regardé mon acte de mariage. J’ai compris que la femme qui dormait avec moi chaque jour était ma femme. Avant ça je ne savais pas. Je la voyais toujours se blottir sur moi le soir au lit et intérieurement je me disais : la femme si me veut quoi ? Quand j’ai compris en voyant mon acte de mariage que c’était ma femme, je me suis dit : tu as la chance d’avoir une mère pour tes enfants.

Avant quand on m’appelait ignorant, je croyais que c’était une insulte. Quand j’ai vu sur mon acte que c’était mon prénom, je me suis senti ignorant pour de vrai. La femme que je venais de découvrir que c’était ma femme en cherchant à me comprendre avait des enfants.

Je me suis dit : si cette femme qui dort avec moi depuis des années a des enfants, sans doute que ce sont les miens. Je ne suis pas si ignorant que j’en ai l’air hein.

J’ai cherché à rencontrer mes enfants. Ils ne m’ont pas reconnu. Nous étions dans la même maison et ils ne me reconnaissaient pas. C’est vrai que si c’étaient les enfants qui devraient reconnaître leurs parents, il y a plein de parents qui n’auraient pas d’enfants parce qu’ils ne méritent pas d’en avoir. Les enfants de la femme qui dort avec moi faisaient comme si je suis transparent. Je leurs ai dit : écoutez les jeunes. Il paraît que je suis votre père. Si votre mère c’est ma femme, je suis qui pour vous ?

Ma fille ainée a dit : si tu étais notre père on te reconnaitrait. Ignorant !

Elle a prononcé mon prénom. Je me suis un peu compris. Pour dire qu’on a les enfants, il faut être sûr de les mériter.

Dans les papiers que j’avais il y avait un autre papier. L’acte de décès.

J’ai refusé de lire le nom qui était écrit dessus. Mettez-vous à ma place. Je suis en train de me découvrir de m’identifier et je vois dans mes papiers un acte de décès. Imaginez que ce soit le mien ? Je ne serais pas ici en train de vous parler de moi si j’avais un acte de décès.

Je bois beaucoup mais je ne bois pas mon intelligence. Même si je suis ignorant, je ne veux pas avoir un acte de décès sans avoir fini ma dernière bière.

3 - J’ai un projet qui me tient à cœur

Depuis que je suis devenu un homme heureux, je construis mes projets. Quand on est heureux on doit gagner son temps à joindre l’utile à l’agréable.

J’ai un projet qui me tient à cœur. Pendant longtemps cette idée ne m’était même pas passée à la tête. Aujourd’hui je suis actif et viril.

Ma femme doit faire des efforts. Mon collègue qui n’est rien ! Qui n’est même pas heureux vient d’avoir avec sa femme qui n’est même pas belle des triplés. Un collègue qui ne disait rien à personne. Maintenant il est connu dans tout le quartier. Même la télévision est venue chez lui. Dans sa pourrie maison le filmé avec sa femme qui n’est pas belle et ses enfants qui ne savaient même pas quoi mettre. La nature est injuste je vous jure.

Je suis plus bien que mon collègue. D’ailleurs au service je suis son supérieur. J’ai une belle maison qui peut bien passé à la télé. Ma femme est belle et mes enfants sont des anges. Et c’est lui qui fait des triplés. Il va nourrir avec quoi ?

Maintenant notre patron lui accorde beaucoup d’importance comme si il avait fait un effort pour devenir le père des triplés.

Ce qui m’énerve c’est que mon patron est allé chez lui le soir où il y avait la télévision pour faire la promo de l’entreprise. On lui a accordé un crédit pour refaire sa sale maison alors que même quand j’ai eu la médaille, le patron n’est pas passé chez moi. L’accouchement de mes cinq enfants n’a rendu personne curieux au bureau.

Les journalistes sont venus voir ce qu’il fait au bureau comme si faire des triplés c’est passé un concours. J’ai dit aux journalistes que je suis le supérieur de celui qui vient d’avoir les triplés. Ils ne m’ont même pas interviewé. Celui qui tenait la caméra n’a même pas fait semblant de me filmé. Tous les feux étaient sur mon collègue. La misère va le finir avec ses triplés. La façon de fonctionner de la société ci ne me plaît pas.

Mes enfants en voyant mon collègue à la télé m’ont demandé quant est-ce que je vais aussi passer à la télé. Ma maison même par hasard n’est jamais passée à la télé. Voilà mon collègue qui est maintenant regardé sur le territoire national. Alors que je le dépasse. Au bureau quand il arrive, tous les autres le regardent comme un homme différent.

J’ai changé la façon de m’habiller, de me coiffer ; personne ne me regarde. Là, c’était la goutte d’eau qui débordait le vase. J’ai dit à ma femme que je veux des quadruplés. Ma femme ne veut pas me prendre au sérieux.

Je suis allé voir mon collègue pour savoir comment il a fait et exactement à quelle heure il a fait l’amour avec sa femme pour avoir les triplés. Le jaloux a dit qu’il ne sait pas. Comment quelqu’un peut mettre les triplés dans le ventre de sa femme et ne pas savoir comment et à quel moment ça s’est passé ? il ne veut pas m’aider c’est tout. Il dit que c’est la grâce de Dieu. Entre nous deux, qui mérite la grâce de Dieux ? Quand on est au bar c’est moi qui lui achète à boire. Le vingt du mois, son salaire est déjà fini et c’est moi qui l’aide souvent à finir le mois. Et Dieu me laisse pour lui donner la grâce ? Qu’il n’accuse pas Dieu pour rien.  Et ma femme dit que je suis devenu jaloux de lui.

Ma femme délire. Pour être jaloux de quelqu’un comme ça, il faut être malade et fou à la fois. Mon collègue là n’a rien. Il n’est rien ! Et sa femme n’est pas belle. Il a une maison que personne ne peut envier. Dans les marécages.  Pour quelle raison je dois être jaloux de lui ?

Je veux avoir des quadruplés. Et ma femme ne veut pas participer à mon projet. Elle me dit que les cinq enfants qu’on a, suffisent pour elle. Ça veut dire quoi ? La seule façon de faire venir la télé chez moi c’est avoir les quadruplés. Cinq enfants c’est quoi ? C’est un nombre ça ? Avec une seule main on compte mes enfants et ma femme dit que ça suffit. Même mon collègue qui n’a rien est passé à sept avec ses triplés. Je ne t’ai pas doté pour que tu viennes chez moi fermer tes fesses madame. Les quadruplés où le divorce.

Puisque la télé s’intéresse à mon collègue, je suis sûr que le patron va lui faire une augmentation. Et moi alors ? je ne suis pas le dernier des idiots qui se laisse faire comme ça. Même si ma femme n’est pas d’accord avec moi, elle va me faire mes quadruplés avant de partir chez ses parents. Je ne peux pas laisser un projet comme ça.

4 - La confiance

La seule personne avec qui je suis toujours d’accord c’est moi. Avant que je ne constate que mes idées sont toujours proches de ma façon de penser, je doutais beaucoup. Je n’avais confiance en personne.

Depuis que je me suis fait confiance, je suis tranquille.

Vous ne pouvez pas savoir comme c’est tranquillisant de savoir qu’on a quelqu’un à qui on peut faire confiance. C’est rassurant.

Chaque fois que je regarde la confiance que je me suis donnée, j’explose de satisfaction. La seule personne qui ne peut pas me tromper c’est moi. Je me suis piégé plusieurs fois. Je ne suis pas tombé.

Un jour ma femme m’a demandé si elle pouvait me faire confiance. Je lui ai dit : c’est réciproque. Si je me fais déjà confiance pourquoi pas toi ? Et elle m’a fait confiance.

Depuis ce jour je n’arrive plus à la tromper. Chaque fois que j’y pense, j’ai l’impression que je vais me tromper moi-même et je renonce. Alors que je n’ai pas confiance en ma femme. Je n’ai confiance qu’en moi.

Quand ma femme me trompe, je la regarde et je lui dis : Tu fais du mal à toi-même. Elle pleure et elle me dit : pardonne-moi. S’il te plaît pardonne-moi.

Je ne lui pardonne pas mais j’oublie.

Imaginez si je lui faisais déjà confiance ? Je devais me sentir trahi, cocu, morpion et pleurer comme un enfant qui découpe les oignons. C’est horrible. J’allais même menacer de me suicider avant d’aller devant elle dire : pardonne-moi chérie qu’est –ce que je t’ai fait ? Non je n’aime pas ça !

La confiance c’est comme un fusil chargé. Quand tu donnes à quelqu’un, le jour où ça ne va pas, il tire sur toi et te regarde mourir d’un air confiant.

5 - Mon chef de quartier est con

Vivre dans un quartier en sachant que le chef de quartier est un con. Ça me révolte. Un con qui a un chien en plus.

Je sais qu’être con ce n’est pas un défaut. Moi-même j’étais con quand je n’avais pas encore épousé ma femme. Et le jour où j’ai rencontré ma femme, je lui ai dit : si tu m’épouses tout de suite, je fais un rêve heureux. Elle a dit à haute voix à ses amies : quel con ?  Ça m’a surpris et j’ai dit : si tu m’épouses je ne serais plus con.

Je vous assure ; aujourd’hui ma femme c’est cette femme là. Et je ne suis plus con. Quand je vois un chef de quartier qui est marié et con. Ça me fait chier même quand je n’ai pas encore mangé.

L’autre jour son chien a mordu ma fille. Je suis allé chez lui pour qu’on voit ensemble ce qu’on allait faire des soins de ma fille. Il m’a dit que si son chien était un homme, il allait lui dire de ne plus mordre ma fille.

Et il a dit : je m’excuse pour mon chien.

Vous comprenez ? Il s’excuse même sans demander mon avis. Il ne me demande pas de lui accorder des excuses. Il s’excuse et il continue son rôle de chef de quartier sans conduire ma fille à l’hôpital. Quel gros con ? J’ai conduit ma fille à l’hôpital mais ma femme a dit : tu ne vas pas te laisser avoir comme ça. Ma femme prend des initiatives.

Elle a pris les choses en mains. Ma femme ne laisse pas les choses se faire d’elles mêmes. Elle sait prendre les choses en mains à temps. Le chef de quartier a vu le lendemain les deux pattes arrière de son chien complètement broyées.

Quand le chef de quartier s’interrogeait comme un con au centre du quartier, ma femme lui a dit :   si mon piège était un homme je lui aurais dit de ne plus attraper le chien du chef de quartier.

Mon chef de quartier m’a convoqué chez lui pour faire le point quand son chien est mort de douleur.

C’est ma femme qui est allé à la convocation et a dit à mon chef de quartier qu’elle aimerait parler avec lui de femme à femme.

Quand il a tenté de dire à ma femme qu’il était polygame de trois femmes, ma femme lui a dit d’aller se faire cuire un œuf.

Il s’est levé comme un homme et a dit à l’une de ses femmes de cuire pour lui quelques œufs.

Ma femme s’est tournée pour partir. Et le chef de quartier criait après elle : Tu croyais que je ne peux pas me faire cuire un œuf. Je peux même faire cuire plusieurs œufs.

Mon chef de quartier est un con. Et j’ai peur que le quartier ne devienne un quartier de con. 

6 - L’autre jour j’ai bu

Je ne suis pas quelqu’un qui cache  ce qu’il  fait. L’autre jour j’ai bu.

Papa ! J’ai bu jusqu’à croire que la boisson allait finir.

Je ne sais même pas à quelle heure ma femme est venue me prendre au bar. Le lendemain matin je suis allé demander au gérant du bar si j’avais même réussi à boire la moitié ma dernière bière.

Il m’a dit que j’avais réussi à boire le tiers.

Heureusement que j’ai une femme qui sais que je suis alcoolique. Sans ma femme j’allais toujours dormir au bar. Pour continuer à boire même dans mes rêves. Etre alcoolique c’est un don.

Ce qui est bien avec ma femme c’est qu’elle vient me chercher toujours quand je ne suis plus conscient.

Je ne peux pas être conscient et partir avec ma femme en laissant les bouteilles de bière me regarder partir. Non ! C’est la lâcheté.

L’autre jour j’ai bu ! Papa ! C’était un jour de bonheur. Mon ami qui n’est pas venu me voir quand j’étais malade a laissé au bar quatre bières pour moi. Alors que ceux qui sont venus me voir à l’hosto n’ont pas pensé à la bière. Le vrai ami de quelqu’un c’est celui qui sait quand tu as soif et aussi quand tu auras soif. Un jour j’étais au bar tranquille. Je n’avais pas encore soif. Un jeune est entré et il a dit : grand frère prenez une bière. J’ai remercié le ciel de l’avoir envoyé. Comment il avait su que j’allais avoir soif plus tard ? j’ai commencé à boire sa bière et je vous jure que la soif est arrivée quand j’étais déjà à la troisième bouteille.

Vous savez que boire c’est plus difficile qu’acheter à boire. Alors il y a des gens qui préfèrent le côté facile de l’affaire : acheter à boire.  Moi je préfère aider les barmen à faire le plus difficile : boire.  Vider leur stock.

Même mes enfants savent que je fais un métier difficile. Le jour de mon anniversaire ma fille a réussi à me faire boire un verre d’eau en me trompant que c’est une liqueur forte. Ça faisait huit ans que je n’avais plus mis ce liquide horrible dans ma bouche. J’ai failli la maudire. Comme ma femme était là je me suis dit si je le fais, elle me laissera dormir au bar à la fin de ma dernière bière.

D’ailleurs j’ai promis au gérant du bar que je dépasserai la moitié à la prochaine dernière bière.

7 - Je suis important dans ma vie

Sans moi je ne serais rien.

Je me suis pris en main étant tout petit. Je me suis construit brique par brique sans l’aide d’un maçon. L’homme que vous avez devant vous c’est mon œuvre. Je suis un artiste.

Je me suis tellement bien construit que je peux construire quelqu’un d’autre. Si vous voulez. J’ai encore des côtes. Pour faire même des femmes. Pour construire un homme c’est plus dur. La côte pour la femme suffit.

Un jour je me suis regardé dans le miroir et j’ai vu qu’il y avait des choses que j’avais ratées. Depuis je ne me prends plus au sérieux. Parce que me construire moi-même et me rater à des angles ça ne fait pas sérieux.

Je suis important dans ma vie. Si  je ne me construisais pas j’allais être un homme absent. Comme beaucoup d’entre vous qui au lieu de se construire ont construit une maison. Passé toute sa vie à construire une maison sans se construire c’est se laisser absent nul inexistant. On peut tout dire de moi mais je suis là. Même mal construit je suis construit quand même. Je ne suis jamais absent quand je suis là. Vous pouvez vérifier.

Un jour une femme se met devant moi et elle me dit : je ne te vois même pas. Là j’ai cru que j’avais construit un autre en croyant me construire. Je me suis senti mal je vous jure. J’ai filé vite chez moi devant le miroir et je me suis vu ; rassuré. Je suis un artiste qui s’est fait.

C’est la femme là qui était aveugle. Puisque j’étais là dans mon miroir et en face de mon miroir aussi. Cette femme m’avait fait douter de ma construction avec sa cécité.

Quand j’ai connu ma femme, je lui ai dit ma chérie tu as de la chance. Tu arrives quand je suis fini. Tu as un homme fini devant toi. Elle a failli ne plus m’épouser parce que j’étais fini. Heureusement que je ne suis pas inachevé. Si vous me voyez inachevé c’est que vous voyez mal. Comme des aveugles qui s’étonnent de ne pas me voir.

Quand ma femme me tient, elle me dit : chéri je sens que je tiens quelque chose dans la main. Solide et bien construit. Je lui dis : c’est moi ma belle. C’est mon œuvre. Il y a des gens qu’on ne peut même pas tenir comme ça. Même quand ils sont là, Ils sont absents. Pas fait du tout.

Les endroits mal fait en moi, ce sont mes défauts. Je n’allais pas me faire sans défauts quand même. Ç’allait faire trop parfait pour ce monde imparfait. Qui n’a pas de défaut ? Même jésus avait un défaut ! Il était barbu.

Je suis l’homme qui me suis fait et quand je regarde mes enfants je leurs dit : apprenez à vous faire car personne ne peut vous faire mieux que vous. Je peux faire votre mère jour et nuit mais vous, c’est demain qui vous fera avec l’histoire et la politique. Prenez-vous en main dès maintenant. Et vous avez deux mains pour ça. C’est sérieux !

Je ne suis pas là pour faire tout le monde. Si mes enfants comptent sur moi pour se faire, ils se trompent.

Chacun doit être responsable de ses défauts. Si quelqu’un en se faisant se rate ; c’est son problème.

8 - Faisons le bilan de notre vie

Un jour j’ai vu un fou venir me demander si je connaissais un autre fou comme lui. Quand j’ai dit non, il a dit en partant que j’étais fou. Depuis ce jour je fais le bilan de ce que je suis en permanence.

Moi je suis un homme pas une femme. D’ailleurs il n’y a rien de la femme en moi. Je sais rire comme un homme pas une femme. Il n’y a rien de la femme dans mon rire.

J’ai un corps d’homme pas de femme. Il n’y a rien de la femme dans mon corps d’homme vous pouvez le demander à ma femme.

Le bilan de ma vie est totalement masculin.

Dans mon acte de naissance on a écrit : sexe mâle.

Je ne suis pas devenu un homme je suis né homme. Le jour de ma naissance, quand la sage-femme a dit à mon père : c’est un garçon ! Mon père a rectifié : c’est un homme. Elle n’était pas suffisamment sage pour le voir elle-même la sage-femme.

Mon père n’a pas fait de garçons. Il n’a fait que des hommes.

Il y a des hommes qui voudraient être femmes qui se sentent femme parfois. Moi jamais. Ça ne m’arrive jamais.

Quand je pense à la femme c’est quand je veux faire l’amour. C’est l’amour qui me fait penser à la femme.

Quand je vois la femme je vois l’amour. Je ne vois rien d’autres. En dehors de l’amour on peut faire quoi d’autre avec la femme ? les enfants !

Un jour ma femme m’a demandé en me voyant la regarder à quoi je pensais. Je lui ai dit que je pensais à la façon dont elle s’amuse quand elle me trompe. Elle s’est fâché ma femme. Elle voulait que je pense à quoi ? Pour avoir la liberté d’expression il faut avoir la liberté de penser.

Je pense beaucoup à moi. Parce que je suis un homme. Il n’y a pas de confusion. Un homme c’est un homme. J’ai toutes les preuves.

Les hommes qui pensent qu’il y a des femmes en eux ne sont pas des hommes. Ce sont des mangues.

Un homme peut avoir une femme en lui ? Comment ? On ne peut pas être un homme et avoir une femme en soi.

Ma femme n’a jamais d’homme en elle sauf quand on fait l’amour et l’homme en elle c’est moi.

Que des mangues se prennent pour des hommes, je ne suis pas d’accord.

Faisons le bilan de notre vie. Une mangue ne se prend jamais pour l’ananas. C’est comme si un camerounais se prenait pour un cochon.

Même si les camerounais mangent le cochon, ils font la différence entre un violeur et un amoureux.

Si un autre fou me demande aujourd’hui si je connais un autre fou comme lui, je dirai oui. Et je ne serai pas en train de parler de moi. Je ne suis pas fou. Je suis un homme depuis le ventre de ma mère. Je n’accepte pas de pot de vin pour le dire. Je m’exprime c’est tout.

En chaque homme il y a un homme. Et à côté une femme. Le contraire c’est la malchance. Ou la papaye si vous voulez.

Il n’y a rien de la femme en moi je suis sûr. Mais j’aime la femme qui n’est pas en moi. Si une femme entre en moi, c’est le démon pas la femme. J’aime la femme pas le démon.

Ma femme sait que je suis un homme c’est pourquoi nous avons des enfants.

Voilà mon bilan.

9 - Le fils de mon voisin

Le fils de mon voisin vit dans un pays riche.

Mon voisin a failli être riche dans sa vie. Aujourd’hui c’est son fils qui vit dans un pays riche. Souvent il envoie à ses parents les téléphones portables avec double puce.la classe je vous dis. Et comme les parents n’ont rien à manger, ils vendent les portables pour avoir de la viande dans la marmite. Le fils de mon voisin vit dans un pays riche. L’année dernière il a envoyé une très belle Mercédès à son père. Une voiture de luxe avec clim et vidéo. Comme son père n’avait pas d’argent pour payer la douane, il est venu me voir. Moi aussi j’ai vu mon oncle qui a vu son fils. Le fils de mon oncle qui est très généreux a donné un téléviseur à mon voisin contre sa Mercédès. Maintenant mon voisin peut regarder avec sa femme un téléviseur qui leurs appartient grâce à leur fils qui vit dans un pays riche.ils sont heureux les parents qui ont des enfants dans un pays riche. Pour l’anniversaire de mon voisin, son fils n’a rien oublié il a envoyé par DHL à son père un costume de classe. Mon voisin m’a montré le costume. Une fortune je vous jure. Comme il n’avait pas d’argent pour ses factures d’électricité et d’eau, je lui ai donné vingt mille pour le costume plus un téléphone portable double puce. Mon voisin était content et moi j’avais un costume galant et un téléphone à double puce pour trois fois rien.

Mon voisin est heureux grâce à son fils qui vit dans un pays riche.

Quand les gens économisaient pour leur retraite, mon voisin faisait le crédit pour envoyer son fils dans un pays riche.

Aujourd’hui pour sa retraite, son fils lui fait un cadeau somptueux tous les six mois.

Si mon voisin n’est pas encore mort de famine, c’est tout simplement parce que son fils n’aura pas l’argent pour venir aux obsèques.

10 - Je ne suis pas un homme bon

Chaque fois que je fais quelque chose de normal, on dit que je suis un homme bon. Le mot bon a quelque chose à voir avec bonbon. Je suis sûr ; alors que je n’ai jamais aimé le bonbon.

Un homme bon c’est un homme qui se prend au sérieux. Alors que moi. Je suis naturel. Je sais que je bois ma bière  et je donne à boire à ceux qui me regardent boire. Et on dit que je suis bon. Je ne donne pas à boire aux gens pour leur faire du bien non. Je sais que la bière tue à petit feu. Et je jour de ma mort je ne veux pas souffrir seul de mon mal. Voilà pourquoi je donne à boire. Et certain cons disent que je suis bon. Je n’ai rien à voir avec le mot bon. Ni le bon bonbon.

Si je donne souvent les bonbons aux enfants du quartier, c’est tout simplement pour que mon ami dentiste ait les clients tout le temps. C’est un investissement. Une dent abimée se répare à dix mille alors qu’un paquet de bonbon coûte moins de cinq cent. Quand j’entends dire que je suis bon, je me sens cruel. Alors que je suis tout simplement humain. Un jour le feu a prie ma maison au quartier. Pendant que les gens m’aidaient à éteindre le feu, je faisais la prière pour que ça prenne la maison du voisin aussi. Je ne voulais pas être le seul sinistré. C’est être bon ça ?

Heureusement que Dieu a écouté ma prière. Le feu a bondi chez deux voisins. Leur maison s’est métamorphosée en cendre. Comme si le saint esprit était descendu du ciel. J’ai créé l’association des sinistrés du feu au quartier. Nous sommes trois dans l’association et je suis le président jusqu’au prochain incendie dans le quartier. Comme dans le parti au pouvoir.

Le fils de mon voisin a mis un jour les clous à tôle sur la route. A l’entrée du chez moi. J’ai marché dessus et je l’ai eu dans ma chaussure et le pied. J’ai crié. J’ai enlevé le clou de mon pied et je suis allé mettre où passe mon voisin. Il a eu le même coup dans la profondeur de son pied et il a battu son fils d’avoir fait ce coup. Alors que si c’était seulement moi il n’allait pas battre son fils pour me venger.

Quand on dit que je suis bon ça ne me plaît pas parce que je sais qui je suis. L’autre jour les voleurs du quartier ont violé la fille de mon voisin. Devant ses parents. La honte ! J’ai tout de suite compris que le malheur là pouvait frapper à ma porte. La fille du voisin n’est pas belle comme ma fille. Pour que ma fille vive la même chose qu’elle. J’ai tendu une embuscade et les voleurs là sont tombés. Tout le monde dans le quartier était content de moi. Comme si je faisais ça pour eux. Il n’y a que ma fille qui n’a manifesté aucune joie. Et je sais que c’est humain. Si on violait ma fille avant d’arrêter les violeurs ; ma fille devait me remercier. Mais je ne me plains pas c’est ma fille et elle est belle. Un peu bête comme toutes les belles mais j’assume.

Je ne sais pas si les gens mesurent le mot bon qu’ils prononcent à tort et à travers. Quand un ministre vol notre argent, ruine le pays, déstabilise la bonne marche de la machine étatique  et organise une fête dans son village, on dit qu’il est bon. Bon à la mauvaise gestion par exemple.

Quand un sous-préfet utilise son autorité pour prendre les filles du lycée d’un village de campagne et signe très vite l’autorisation d’ouvrir les bars, on dit qu’il est bon.

Quand un policier raquette les véhicules de transport en commun, devient un vulgaire poltron face à l’agression des civiles et donne à boire à ses voisins de temps en temps, on dit qu’il est bon.

Bon à quoi finalement ?  Bon à rien ! Car un bon à rien est aussi bon. Même si c’est à rien.

Je ne suis pas bon. Trop bon trop con ! Je suis humain comme n’importe qui dans mon quartier de jaloux.

11 - Regarder la télé

Quand il n’y a avait pas encore la télé chez moi, je croyais que les gens qui avaient la télé chez eux étaient plus cultivés que moi. Je croyais que si quelqu’un passe sont temps à regarder la télé, il va être intelligent. Je croyais même que ceux qui passent à la télé sont les plus intelligents du pays. J’ai passé tout le temps où je n’avais pas la télé à accuser mon retard et celui de mes enfants.

Depuis que j’ai la télé chez moi, mes enfants sont devenus les plus bêtes du quartier. Quand j’ai eu la télé chez moi, j’ai laissé mes enfants et ma femme regarder la télé 24 heures sur 24. On n’a plus éteint la télé chez moi. Je voulais que chaque membre de ma famille rattrape le temps perdu sans télé. C’est une catastrophe.

Mes enfants sont devenus nuls à l’école. Ma femme ne trouvait plus le temps pour faire le marché et faire la cuisine. Elle était scotchée sur la télé. Dès que ceci ne lui plaît pas elle zappe. Dès que cela l’énerve, elle zappe. Les séries sans tête ni queue.

Quand j’ai entendu un musicien dire à la télé que sa musique est sanguinaire, j’ai commencé à me poser des questions. Après il a expliqué que c’est parce que ça circule dans ses veines.

Quand j’ai entendu un prof d’université dire à la télé que nous avons le chef d’état le plus bon du monde et on veut aller aux élections pour quoi faire ? J’ai compris que je devenais plus bête qu’avant la télé. Quand j’ai vu mes enfants échoué à l’école et imiter Ezaboto avec succès j’ai compris que tous les cinglés qui sont au centre Jamot devant les psychiatres regardaient trop la télé.

Quand la haute intelligentsia de Canal 2 a choisi Ezaboto comme meilleur comédien camerounais de l’année, j’ai eu envie de prendre les aspirines et  maintenant, je regarde la télé avec réserve.

Quand j’ai compris que tous ceux qui parlent à la télé ne parlent pas avec leur voix normale, je me suis dit où ça mène ?

Dans le journal, l’information est traitée de manière esthétique. Quand tu vois une ville à la télé, tu la vois toujours un peu plus belle qu’elle ne l’est vraiment. D’ailleurs on a l’impression que tous ceux qui passent à la télé sont beaux. C’est faux. Tout le monde passe au maquillage. Devant une femme qui vous met un masque d’embellissement.  Tu arrives à la télé crasseux et cette femme te rend chic. C’est la tricherie.   

Et en plus il y a une femme qui est allé dire à la télé que si une femme n’a pas le pagne du 8 mars, elle trompe son mari avec celui qui est capable de lui donner ce pagne. Je vous jure que ma femme a failli prendre ça à la lettre. Elle a même écrit une plaque qu’elle a mise sur la route où il était écrit dessus : Femme seule recherchant pagne du 8 mars. Conditions aux convenances du donneur.

J’ai regardé ma femme comme ça. Et la peur a circulé dans mon sang de mari. Laisser sa femme partir avec quelqu’un pour un pagne c’est accepter que la femme ne vaut rien.

Je lui ai donné le pagne du 8 mars et j’ai cassé la télé. 

12 - J’aime ma femme

Je suis fier de le dire. J’aime ma femme. Il y a beaucoup de gens qui n’aime pas se sentir coupable. Moi quand je suis coupable, je le reconnais. J’aime ma femme. Je suis capable de mourir pour ma femme. C’est vrai que si le criminel entre chez moi et dit : qui je tue le premier ? Je vais vite répondre : ma femme ! Mais ce n’est pas que je ne l’aime pas. C’est tout simplement que c’est une situation difficile.

Un jour ma mère m’a dit : entre ta femme et moi, choisis qui tu aimes le plus.

J’ai beaucoup réfléchi et j’ai dit : donnez-moi une bière.

Quand j’ai fini ma bière j’étais content. Et j’ai dit : je choisis la bière. Ma femme était fâchée et ma mère aussi mais je m’en fous. Ma mère ne veut pas comprendre que je ne peux pas faire l’amour avec elle et ma femme ne veut pas comprendre que ce n’est pas elle qui m’a accouché. Au milieu de ça je fais comment ? Je bois ma bière et c’est tout.

J’aime ma femme. Un jour ma fille ayant entendu la querelle entre ma mère et ma femme est venue me voir et m’a dit : papa entre ma mère et moi qui tu aimes le plus ?

Je lui ai tout de suite dit : ma femme. J’aime ma femme. Mais entre ma mère et toi, c’est toi que je choisis les yeux fermés.

Ma mère était derrière moi je ne savais pas. Vous auriez du voir son visage.

Quand je me suis retourné, je suis tombé nez à nez avec la grand-mère de mes enfants.

Elle m’a regardé avec mépris et elle a dit : je vois la reconnaissance pour la femme qui t’a porté pendant douze mois.

Et ma fille s’est bien moquée de moi. J’aime ma femme. C’est vrai qu’il y a des moments où je crois que le voisin a fait un meilleur choix que moi. Mais ce n’est qu’une illusion. C’est surtout quand j’ai bu.

Un jour je me suis surpris en train d’aimer une femme. Quand au bout de trois mois je me suis rendu compte que ce n’était pas ma femme, je l’ai quittée et je suis allé demander pardon à Dieu. alors que c’est ma femme que j’avais trompée.

J’aime tellement ma femme que je n’arrive pas à lui avouer que des moments je doute du choix que j’ai fait. Quand je bois.

Le jour de mon mariage, quand le maire a dit : acceptez vous d’aimer cette femme jusqu’à ce que la mort vous sépare ?

Je lui ai dit : la mort doit nous séparer pourquoi ? Le jour de mon mariage vous voulez déjà ma mort ? Je veux aimer cette femme jusqu’à ce que la mort ne nous sépare pas.

Le maire s’est excusé et il a signé notre acte de mariage.

J’avais raison. Depuis, la mort ne nous a pas encore séparés. J’aime ma femme tellement que si je meurs elle se marie à quelqu’un d’autre, je deviens le fantôme personnel de son nouveau mari. J’attends toujours quand il conduit pour attacher ses pieds sur le volant et bander ses yeux. Ce n’est pas méchant c’est l’amour.

Un jour j’ai rêvé que ma femme m’a trompé. J’ai tellement pleuré que dans le quartier on a cru que mon père, ma mère, mon beau-père et ma belle-mère étaient morts le même jour dans un accident de moto.

Depuis le jour là ma femme même dans ses rêves refuse de me tromper.

J’aime la femme.

Je sais que c’est un défaut d’aimer la femme comme ça. Mais j’assume mes défauts. Quand ma femme m’embrasse je voyage. C’est la seule qui me donne cette sensation. Même quand je n’ai pas bu.

13 - Les femmes ne sont pas comme nous

Les amis les femmes ne sont pas comme nous.

Quand j’ai épousé ma femme elle a dit comme toutes les femmes qu’elle m’aimerait pour la vie. Depuis que la vie là a commencé, c’est inquiétant. Elle m’aimait à cent pour cent quand on était à deux quand nous avons eu notre premier enfant, elle aimait l’enfant à quatre vingt pour cent et moi à vingt pour cent. Chaque fois qu’elle donnait le sein à l’enfant, elle ne me demandait même pas si je veux goûter. Et je regardais l’enfant se nourrir tout seul alors que ma femme sait que j’aime le lait.

Et aujourd’hui que les enfants sont grands même le biberon sans lait est rare chez moi.

Au deuxième enfant elle aimait chaque enfant à quarante cinq pour cent et moi à dix pour cent. Aujourd’hui que nous avons cinq, elle sait tout simplement que je suis aussi là. Quand je dis qu’elle n’a plus d’amour pour moi, elle me dit qu’elle aime mes enfants et je lui veux quoi encore.

Les femmes ne sont pas comme nous

Chaque fois que je vais chez mes parents, je rentre très vite parce que je dois retrouver ma femme que j’ai quittée. Alors que ma femme quand elle va chez nos enfants, c’est toujours moi qui appelle pour demander à quand le retour. Et elle répond toujours : je ne sais pas.

Un jour j’ai demandé à ma femme qui je suis pour elle ; elle a dit que j’étais le père de ses enfants. Vous entendez ?

Quand j’ai dit que je croyais que j’étais son mari, elle m’a dit que je ne pense jamais aux enfants.

Quand j’épousais ma femme les enfants étaient là ? Maintenant je ne peux même plus aimer ma femme sans qu’elle ne parle des enfants. Je vous jure que mes enfants m’ont pris ma femme.

Les femmes ne sont pas comme nous.

Ma femme aime le père de ses enfants pas moi. Alors que quand je l’épousais le père de ses enfants n’était pas là ni les enfants. J’étais seul. Si je savais que mes enfants allaient me confisquer ma femme. Je vous jure que je n’allais pas m’encombrer de ces ingrats.

9 juillet 2010

Laissez-moi Parler de Wakeu Fogaing

1 - La vie ne fait pas de cadeau

Avant j’étais sérieux maintenant c’est le contraire. Je passe mon temps à faire le sérieux en faisant le rigolo. Je me crois sérieux et les gens rigolent en voyant mon air de con. Je suis con et méchant mais c’est pas de ma faute. C’est génétique. Je suis un peu né avec. On peut même dire que je suis tombé dedans dès ma naissance.

Je prends les gens pour n’importe qui et ça fait chier surtout ceux qui ont oublié de le faire en partant de chez eux. Presqu’une épidémie de diarrhée. J’aime faire le mal. On m’a appris ça tout petit. Comme on m’apprenait à aimer le sein. Surtout à téter pour vivre. Ce n’est pas sans raison !

Quand j’étais dans le ventre de ma mère, j’étais un gars bien. Je ne me plaignais jamais. Sauf quand mon père battait ma mère bien entendu. Je ne pleurais jamais. Pourquoi devrais-je ? J’étais à l’abri du besoin.

Au bout de neuf mois, ma mère a commencé à se plaindre que je bougeais beaucoup. Comme s’il était interdit de bouger. Pour moi bouger était une activité normale sans plus. Ma manière de me détendre. Ah non ça ne faisait pas du tout plaisir à ma mère. Les femmes ne sont pas comme nous. Les hommes aussi. Ma mère ne voulait pas que je bouge.

Elle est tout de suite sans me consulter aller voir un médecin qui a tout de suite dit après consultation : on va le faire sortir de là.

J’ai pris ça pour une blague. D’ailleurs je me disais même qu’on ne parlait pas de moi. Surtout que j’étais à un endroit où je m’étais fait tout seul. Avant le ventre de ma mère je n’étais nulle part. C’est là bas que j’ai pris forme. Comme un jeu je me suis fait. Tout seul. Voilà ma mère. Ma propre mère qui va voir l’homme qui va me sortir de ma maison. Pour se faire, il faut avoir l’idée. Après l’idée il faut se construire à la hauteur de son idée. Et rapidement se trouver un logis. Pour moi c’était pas loin : le ventre de ma mère. Un logis chaud et doux. J’aurais tout imaginé sauf que c’est ma propre mère qui irait voir quelqu’un pour me déloger.

Et ce quelqu’un a placé ma mère sur une table. Et j’ai entendu : poussez madame ! Poussez bon sang on ne va pas passer la nuit sur vous. Poussez ! Et ma mère comme une conne s’est mise à pousser. A me pousser sans la  moindre pitié. Si brusque, si vite…

Je me suis senti bousculer, presser comme une orange, extirper de mon domicile originel sans sommation. Seulement pour avoir bougé. Comme si bouger est une catastrophe. Mes frères. Qui ne bouge pas ? En moins d’un an, j’ai perdu mon domicile.

Je vous assure que j’étais sans défense et n’avais même pas l’âge pour porter plainte.

C’est vraiment à ce moment que j’ai compris que la raison du plus fort est toujours la meilleure.

J’ai fermé les yeux et me suis dit : seigneur qu’il soit fait selon ta volonté. Je ne sais même pas à qui je disais ça puisque je ne connaissais pas encore le seigneur. C’est plus tard qu’on s’est croisé dans son église.

Au bout d’un moment j’ai senti les mains  de ce quelqu’un me tenir les oreilles et me tirer fort vers l’extérieur.  J’avais beau mettre les mains sur le dormant de ma porte pour résister ; c’était plus fort que moi. Je me suis trouvé à l’extérieur timide, et  accueillant avec calme ce nouveau sort qui s’offrait à moi.

La méchanceté de l’homme est sans limite.  Alors que je croyais mes ennuis terminés, j’ai entendu quelqu’un crier : il ne pleure pas. Et on m’a tenu par les deux pieds, les fesses en l’air la tête en bas et une fessée mémorable m’a conduit au centre de la douleur. J’ai eu ce jour un mal que je ne m’imagine même pas connaître un autre jour.  Surtout quand tu es sûr de n’avoir rien fait de mal. J’ai poussé mon premier cri de douleur ce jour dans une maternité de village. Et les gens ont applaudi en entendant mes pleurs. La cruauté de l’homme est sans limite. Applaudir quand un enfant a mal et pleure de douleur c’est génial n’est ce pas ?

Personne ne vous explique la vie dans ces circonstances. Personne. Tu comprends tout seul que tu viens d’atterrir dans un monde sans pitié. Au milieu des sans sentiments.

Comme un malheur ne vient jamais tout seul, j’ai vu venir à moi une paire de ciseaux… on a coupé le tuyau de mon ravitaillement. Après m’avoir fait ce mal, ils m’ont fait un pansement. On te fait une blessure et on te fait un pansement. C’est un peu comme si on vous mettait un poignard au ventre et appelait l’ambulance. La fessée que j’ai reçue m’a fait plus mal que ça.

Le mal fait, on m’a plongé dans une bassine pour me laver comme si j’étais sale. Quand les gens n’ont rien à faire ils improvisent des maladresses. Après un bain bien fait, on m’a enveloppé dans des vêtements trop grands pour moi et ma mère est rentrée chez elle avec moi.

Le même jour quelque chose d’horrible me troublait le corps, me pinçait le ventre. Quand on a vécu ça, on rencontre vite la méchanceté. Je ne peux pas vous dire exactement ce que c’était. Ça venait du ventre et de la tête. J’avais mal et ma seule manière de le signifier c’était d’ouvrir la bouche et pleurer.

Ma mère a dit : il doit avoir faim. Et elle m’a mis à la bouche un fruit de sa poitrine. Aujourd’hui encore je continue d’aimer ce fruit. Et certain y trouve un inconvénient : lequel ?

J’ai eu à peine une semaine qu’on m’a emmené dans l’hôpital qui m’a délogé et le même jour j’ai été vacciné par la douleur et un ciseau m’a coupé le sexe je vous jure. Douleur au comble. Et ma mère souriait au méchant.

Quand vous êtes enfant et ne savez pas vous défendre, chaque jour est une épreuve de douleur. On vous prend pour cobaye à tous les coups.  De jour comme de nuit.

Même mon père qui dormait souvent sans se laver exigeait qu’on me lave matin et soir.

Aujourd’hui je peux faire  trois jours sans me laver personne ne me sonne. Ma liberté, j’ai souffert pour l’avoir.

Après tout ce qu’on m’a fait vivre dès mon arrivée dans ce monde, après toutes les bastonnades de mon père et des instis quand je n’arrivais pas à bien dire la Fontaine Fables, je suis devenu comme tout le monde ; méchant, cruel. Il m’arrive parfois de boire beaucoup pour faire du mal à mon organisme. Des fois sur mon chemin, je bouscule des gens pour rien et je ne m’excuse pas. Je gifle des enfants qui n’ont rien fait et je ne me demande pas pourquoi je fais ça. Parce que moi, la première fessée que j’ai reçue, est ce que je l’avais méritée ? 

2 - Les journalistes me bousculent

Ça fait tout juste six mois qu’un journaliste est venu me voir.  Il a fallu attendre (l’âge de l’artiste) pour voir un journaliste se pointer à mes côtés.

J’étais en train lire un journal pas de m’offrir en spectacle. J’ai entendu une voix me dire : Qu’est ce que vous lisez ?

J’ai levé les yeux ; c’était un journaliste. Un vrai qui avait fait des études en communication à l’université.

Je n’allais quand même pas lui dire ce que je lis. Dire ce qu’on lit dans une posture privée à un journaliste c’est rendre public sa vie privée.

Il voulait une interview. Il était venu pour l’interview et au lieu de faire son interview et foutre le camp, il voulait savoir ce que je lis en plus.

Il m’a demandé ce que pense de la démocratie.

Comme je n’aime pas les questions inachevées, je lui ai demandé quelle démocratie ?

Il me dit : la démocratie tout court.

J’ai pris sa précision pour une provocation. Parce que à ma connaissance je ne connais ni de démocratie tout court ni de démocratie tout long. 

Ça m’a confirmé l’impression que j’ai des journalistes ; ils ne posent jamais des vraies questions.

Dans toutes les démocraties la confiscation du pouvoir travaille les politiciens au pouvoir. Et les journalistes modifient les tendances.

Au lieu de demander à un ministre combien de milliards il a déjà épargné de la corruption et des marchés fictifs, on passe le temps à leur demander de remercier celui qui les a nommés à la mangeoire. Nous sommes dans la merde et tous les journalistes sont unanimes là-dessus. Mais chaque fois qu’ils sont devant un chef d’Etat africain, au lieu de lui demander quand est-ce qu’il arrête de nous enculer, on lui demande toujours s’il est candidat à sa propre succession.

Je ne  comprends pas. Ils sont cons ou quoi les journalistes ?

Aucun président au monde ne refuse d’être candidat à sa propre succession quand la constitution le permet. Chez nous même quand la constitution ne le permet pas, on bouscule la constitution. C’est tropical. Quand on est trop proche de l’équateur c’est pareil.

Les journalistes me bousculent et je n’aime pas ça.

Me demander à moi qui ne fais pas la politique ce que je pense de la démocratie tout court c’est un peu déplacé quand même.

Parce qu’ils iront demander à un politicien son plat préféré, sa couleur préférée et le nombre de ses enfants.

Je ne fais pas la politique. Je ne voulais pas faire la politique.

Si le monde me cherche, le monde me trouve.  Je suis très petit pour que le monde se tue à me chercher.

Laissez-moi tranquille.

Quand le parti au pouvoir a perdu les élections dans ma commune. Ce n’était pas de ma faute. Mais l’Etat a nommé tout de suite un délégué du gouvernement à la tête de la Mairie. Depuis le gouvernement a changé plusieurs fois et le délégué du gouvernement est resté le même. Et je passe le reste de ma vie à chercher si ce poste existe dans les annales de la démocratie.  J’ai assez perdu du temps comme ça. Laissez-moi tranquille.

Depuis que le village de mon ami par sa mairie est passé dans l’opposition, c’est le sous-préfet qui est devenu le véritable maire dans leur commune. Tout pour la recette, rien pour les dépenses et l’investissement. C’est sûr que dans les têtes du parti au pouvoir, l’opposition n’est pas nationaliste.

Et les journalistes viennent me demander ce que je pense de cette situation ? Ils ne peuvent pas poser la question au sous-préfet ?

Laissez-moi tranquille.

Je vois le piège dans lequel on veut me faire tomber. Avant de me faire tomber, laissez-moi arriver au sommet.

L’autre jour, au marché je suis allé acheter des tomates pour me faire une salade. Le prix de tout ce que je voulais acheter avait augmenté.

Un journaliste qui passait par là a vu mon indignation face à la hausse spectaculaire des prix. Au lieu de me demander si je vais pouvoir faire ma salade il me demande ce que je pense du pouvoir d’achat des citoyens.

C’est un piège ? Qu’est-ce que les citoyens ont à voir avec ma salade ? Manger la salade n’est pas un acte politique.

Je ne fais pas la politique laissez-moi tranquille.

A la rentrée scolaire je suis allé inscrire mon fils dans un lycée.  Il y avait là bas une histoire de frais de scolarité. Dix mille francs pour les caisses du lycée donc de l’Etat et Vingt mille pour la caisse de l’APE (association des parents d’élève).  Obligatoire.

Vous voyez ? Une association qui vient faire sa loi et ses frais dans un établissement public. Et l’état laisse. On oblige tous les parents à adhérer à cette association pour ne pas se voir victime.  Et devant les yeux de l’état et de ses autorités. On nous encule à tous les niveaux.

Et le journaliste vient demander à moi si je pense que l’APE est une arnaque ?

C’est la malchance ? Laissez-moi tranquille.

Les députés ont dit que quoi ? Les maires ont dit que quoi ? Le ministre même a dit que quoi ?

Je ne suis pas l’épée de Damoclès. Laissez-moi tranquille.

3 - Qui m’a appelé ?

Regarde-moi bien !

Regarde l’échantillon que tu as là en face de toi.  C’est dégueulasse !

On ne peut pas continuer comme ça. Celui qu’on regarde n’est pas celui qui mérite d’être regardé. Il y a des mannequins parmi vous. Et vous laissez les choses se faire ainsi ? J’ai corrompu la société qui m’a fait qui vous fait et vous fera encore longtemps. Personne ne lève le petit doigt personne. Et la grenouille nous livre ses cuisses à table. Une cuisse de grenouille il y a quoi à manger dessus ?

On dit ici que quelqu’un n’est quelqu’un que s’il y a son quelqu’un quelque part. Parce que j’ai mon quelqu’un à chaque quelque part, j’ai le droit de revenir de plus en plus vous dire que l’espoir qui nous nourrissait a foutu le camp. Et même si je dis vrai, vous n’êtes pas obligé de me prendre à la lettre. Vous attendez qui ? Jésus ? Il a encore deux mille ans pour faire ses bagages. Et quand il viendra, on parlera des honnêtes citoyens dans les livres d’histoire.

Quand mon oncle sortait son argent pour payer mon concours là, personne n’a pas vu le mal venir.  Il était invisible.

Quand on lui a dit qu’on ne peut pas avoir le concours sans marguiller. Personne ne voyait le mal. Ni du côté de mon oncle ni du côté de celui qui prenait l’argent en vendant le mérite national.

Quand les directeurs de mémoire imposaient et réclamaient aux étudiants une fortune pour la soutenance, personne n’a vu le mal venir. Personne n’a su qu’un laid gars comme moi ; ferai plus tard le mannequin à la place des plus beaux.

J’ai payé pour avoir le concours avec l’argent de mon oncle. J’ai payé pour soutenir avec l’argent de mon oncle. J’ai payé pour être nommé avec l’argent de mon oncle.

Aujourd’hui je suis là en face de vous corrompu jusqu’aux fesses. Je le mérite bien.

Regardez comme c’est dégueulasse de regarder un corrompu. Mais je vous ressemble tous.

Mon oncle réclame son argent. C’est normal. Mon oncle veut une belle maison, une belle voiture. C’est normal. Il n’a pas semé au désert.

Mon village veut que je fête en public mes nominations c’est normal. Dans une belle villa. Allez dire ! Vous allez même dire à qui ?

Mes frères et sœurs veulent que j’achète aussi leur concours. Comme on achète le vélo de course. Ce n’est pas mon oncle qui a commencé je vous jure. Il n’a donné de l’argent qu’à quelqu’un qui avait commencé à vendre la république depuis longtemps. Et ça faisait plaisir à la loi de voir la fortune de la fraude s’installer même dans le corps électoral. Vous attendez les élections ? Nous avons déjà les résultats.  Regardez-moi. Regardez bien le fonctionnaire que je suis. Quand ma barbe ne pousse pas, je mouille celle de mon chef. Quand le dossier n’avance pas, je graisse la patte de mon moteur. Le pot de vin chez moi est logique et naturel. Je suis corrompu allez dire. Vous allez même dire à qui qui ne l’est pas aussi.

Je suis entré à la fonction publique par effraction je travaille dans l’effraction et je partirai noble comme tous les voleurs qu’on applaudit et respecte. Tous les voleurs sont des excellences et honorables. Tous ont le costume de la protection sociale. Voiture blindée, villa gardée et nomination assurée. Vous voulez savoir si je suis honnête ? Nous avons enfermé l’honnêteté dans le coffre fort d’un parti au pouvoir. Un coffre dans une chambre noir. Construite avec l’argent noir de l’or noir. Je ne vous demande rien. J’ai déjà ma part. Allez dire. Vous allez même dire à qui ? 

Ce n’est pas moi le con. Il faut voir si vous ne voyez pas le con. Il n’est pas loin de nous. Je n’aime pas mon pays. Mais j’aime sa façon de me laisser faire fortune.

Si vous avez faim, allez voir l’aide alimentaire internationale. Je mange déjà mais je vous assure que je ne suis pas encore rassasié.

Vous me voulez quoi ?

4 - La loi est aveugle

Je ne suis pas complice de cette chose qu’on cache. Mettons notre bêtise sur la lumière du jour. 

Quand j’ouvre la bouche, les gens ont tendance à fermer leurs oreilles : pourquoi ? Tout le monde veut accuser quelqu’un !

Je suis celui qu’on accuse… de quoi ?

On ne doit pas semer le désordre pour que je passe le reste ma vie à arroser.

Je ne veux pas d’avocat. Je ne veux pas de témoin. Même les juges je ne les veux pas non plus. Je veux rester l’accusé.

J’ai les preuves de l’accusation. Et les crimes de notre sous-développement me malaxent les boyaux. 

Vous dites que la loi est aveugle ? On peut lui dire ce qu’on a vu.

Le ministre qu’on a nommé et trois mois après il est venu faire la fête de cinquante millions dans mon village là ; il a pris l’argent où ? Son salaire c’est combien ? Dites-moi mes frères.

Vous dites que la loi est aveugle ? On peut lui dire ce qu’on a vu !

Mon oncle qui est entré à la douane il y a onze ans vient d’acheter un immeuble de cent soixante quinze millions dans la rue « je suis capable ». Après avoir construit une maison insolente au quartier « je suis riche ». Et tout le monde pense que c’est son salaire : quel salaire ?

Vous dites que la loi est aveugle ? On peut lui dire ce qu’on a vu !

La preuve n’est jamais loin du crime. En mathématique un plus un égale deux. En corruption un plus un égale dix huit fois le nombre  de mois en service dans notre pays au bord du gouffre.

Vous voyez les preuves et vous ne voyez pas les crimes mais moi je vous montre les crimes et vous jure que les preuves ne sont pas loin.

Même quand on a vu les crimes et les preuves, on ne voit pas les coupables. À cause de leur vitres fumées et surtout de la climatisation de leur bureau.

Vous dites que la loi est aveugle ? On peut lui dire ce qu’on a vu !

Quand un magistrat en cinq ans de service se construit sans crédit bancaire et achète une voiture de luxe vous croyez qu’il vend ses urines ? La loi est aveugle. Et je vois ce que la loi ne voit pas. 

Les officiers utilisent leur galon pour faire la contrebande. Devant la loi aveugle.

Inspecteurs d’impôt  empochent aux enchères la cécité de la fiscalité.

Au tribunal des détournements les accusés sont jugés par les coupables avec une loi aveugle. Mon regard porte des lunettes. Je dis ce que la loi ne voit pas.

Vous voyez les maisons insolentes et vous cherchez quelles preuves ? Vous voyez les voitures de luxe à la femme d’un policier est vous cherchez quelles preuves ?

La loi est aveugle mais on peut lui dire ce qu’on a vu.

Je vois les fantômes de notre pays tous les jours. Et dans ma prière je crie toujours : Jésus de Nazareth sauve nous encore.

Le député de mon village a utilisé son immunité parlementaire pour escroquer tout le village. Après il est allé se cacher à la trésorerie du parti au pouvoir pour mieux brandir sa nouvelle nationalité suisse. Dans notre pays aucun dirigeant n’a notre nationalité. Et la loi ne voit rien.   

Le maire de mon village est chef d’un quartier à Yaoundé et la loi est vraiment aveugle. Même quand on lui dit ce qu’on a vu ! Yaoundé et mon village ne sont pas dans la même région.

Vous m’accusez de quoi ? Je ne sais pas me taire quand il y a à dire.

Je refuse d’arroser le malheur que nos dirigeants sèment ça et là dans le pays de ma propre malchance. Je ne suis pas complice du silence qu’on protège.

Même si la loi reste aveugle, je dois lui dire ce que j’ai vu.

5 - Je peux mourir pour vous

Je suis un homme généreux. Très généreux. Je peux mourir pour vous.

Je suis venu mourir pour vous. Le jour où je suis né, mon père a dit à ma mère : cet enfant je ne le sens pas. Il n’a pas suffisamment de couille pour mourir pour quelqu’un. C’est vrai que moi-même je ne sentais pas mon père mais bon… Je veux montrer à mon père qu’il s’est trompé sur ma personne. Je ne peux pas mourir pour lui.

Ça fait six ans que je réfléchis pour savoir pour qui mourir et comment ? Hier j’ai trouvé. Je vais mourir pour vous. Je ne sais pas si vous méritez que je meurs pour vous mais moi je sais que je mérite de mourir pour vous c’est l’essentiel.

S’il vous plaît ne vous faîtes pas de la peine après ma mort. Je ne suis rien pour vous et je ne vous demande rien en retour. Vous êtes tout pour moi et je vous dois ma mort. L’autre jour j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit : j’aime beaucoup ce que vous faites. Je lui ai dit : c’est comme moi. J’aime beaucoup ce que je fais sinon je ne le ferais plus.

Ma vie je la dois à ma femme qui m’aime sans raison. Je veux quitter la vie en quittant ma femme pour vous avoir dans ma mort. Je ne me suicide pas c’est lâche ! Je meurs pour vous. Parce que je crois que vous aimez ce que je fais.

Si quelqu’un de vous tente de dire après ma mort remboursez, c’est qu’il ne veut pas mon bien. Dire remboursez après la mort d’un artiste c’est cruel. Je préfère que ceux qui veulent le dire me le disent tout de suite.

Je veux bien mourir pour vous mais quand je pense que vous allez dire remboursez juste après ma mort, je n’ai plus confiance.

Soyons d’accord que je meurs pour vous. Mais soyons aussi d’accord que nous ne rembourserons rien même si je meurs avant la fin du spectacle.

Parce que si je meurs et quelqu’un de vous crie : remboursez, je ressuscite tout de suite et je continue mon spectacle jusqu’à la fin.

6 - Une gifle pour mille francs

L’autre jour je parlais avec une femme au carrefour. Ce n’était pas ma femme. C’était la femme du carrefour. Elle habite là bas. Je parlais avec elle innocemment et très fier de moi. Au bout d’un moment que je ne peux pas décrire, une voiture de luxe s’est arrêtée auprès de nous et un homme est sorti de la voiture  et je ne sais avec quelle rapidité, il est venu me donner une gifle.

J’ai tenu ma joue comme ça et j’ai entendu dans ma tête sonner la cloche de la vengeance. Mais j’ai vu très rapidement que le chef bandit est plus fort que moi. Je lui ai demandé monsieur vous me giflez pourquoi ?

Il m’a répondu : je n’ai pas à vous dire pourquoi. Je fais ce que je veux.

J’ai dit à la femme du carrefour vous connaissez cet homme ?

Elle me dit non.   C’est la première fois que je le vois.

C’est la première fois que tu le vois et il vient faire ce qu’il veut sur moi ?

Et le monsieur était là tranquille et ne donnait aucune explication.

Je me suis tourné vers le policier qui regardait celui qui grille le feu rouge. 

Et J’ai dit : monsieur l’agent. Cet homme vient de me gifler.

Et l’agent a dit : pourquoi ?

J’ai dit : je ne sais pas. Il ne veut rien expliquer.

Et l’agent me dit : si je ne sais pas pourquoi je ne peux pas intervenir.

Comment je vais savoir le pourquoi s’il ne me le dit pas ? Arrêtez-le tout de suite et conduisez nous au commissariat.

Il nous dira le pourquoi.

L’agent me dit : demandez-lui pourquoi il vous a giflé et dites le moi pour que je l’arrête.

Je lui dis : savoir qu’il m’a giflé ce n’est pas suffisant ?

L’agent : quelqu’un qui sort d’une voiture comme ça ne peut pas gifler quelqu’un pour rien.

J’ai dit : vous prenez déjà sa voiture à témoin ?

Il n’a même pas dit qu’il m’a giflé pour rien. Il m’a giflé avec une raison qu’il ne veut pas dévoiler.

J’exige qu’il soit arrêté.

L’agent me dit : vous n’avez pas le droit de me dire comment je dois faire mon travail. Si je pars d’ici un taximan grille un feu. Les cinq cent que  j’ai le droit de prendre là. Qui va me rembourser ça.

Je lui dis : j’ai un témoin qui a vu le monsieur me gifler et vous avez le droit d’assurer ma sécurité.

Il me dit : j’assure la sécurité avant la gifle pas après. En plus quand il n’y a pas de plainte timbrée, je n’interviens pas dans vos affaires personnelles.  Vous avez une plainte ?

Je lui dis : non ! Faîtes quelque chose en attendant.

Il me dit : c’est ce que je suis en train de faire. Je dirige la circulation. Et contrôle le feu.

Le monsieur qui m’avait giflé est entré dans sa voiture. Il voulait partir. Moi j’ai signé sur la portière en criant à haute voix : vous allez me dire pourquoi vous m’avez giflé. Et dans ma tête sonnait la cloche de la vengeance. Mais je ne pouvais pas me venger.

Et le monsieur a dit : monsieur l’agent faites votre travail !

Et l’agent est venu me dire de laisser partir la voiture sinon il me conduit au poste.

J’ai crié : je veux savoir pourquoi on m’a giflé en plein carrefour.

Et le policier a dit au monsieur : s’il veut savoir pourquoi, dites lui pourquoi et partez.

Et le gifleur a dit : j’avais juste envie de gifler quelqu’un au carrefour et il a eu la malchance que mes yeux soient tombés sur lui.

Et le policier a dit : vous voyez bien que c’est vous qui trainez votre malchance partout. Le monsieur a été bien gentil de ne pas vous donner une deuxième gifle. Avec une voiture comme ça on est responsable.

Et la femme avec qui je parlais a dit : c’est vrai qu’il y a des jours où vous devez faire attention de ne pas pousser les gens à être violent. Laissez le monsieur partir puisque c’est votre faute.

Et elle a dit au monsieur : je peux entrer pour que vous me déposiez là devant ? Le monsieur a secoué la tête en signe d’approbation.

Le policier a dit : patron vous ne me laissez rien ? Il a sorti un billet de mille francs qu’il a tendu au policier.

Le policier  a dit : merci patron. Et il s’est tourné vers moi : maintenant vous allez arrêter d’embêter le quartier. Laissez mon patron partir.

J’ai arraché le billet de mille francs en laissant la voiture et j’ai crié en partant : voilà ce que m’a couté la gifle.

Le policier m’a suivi et m’a tenu si fort qu’il ne voyait pas les taximan qui grillaient le feu. Quand je lui ai dit que je ne pouvais pas donner cet argent sans me venger sur quelqu’un, il m’a montré sa joue et au carrefour devant tout le monde, j’ai giflé le policier en lui donnant de l’autre main un billet de mille francs.

7 - La lâcheté circule dans nos veines

Je mâche ma honte et je bois les urines de l’incapacité.

Aïe ! La lâcheté circule dans les veines de mon pays. Tous les jeunes veulent partir où ? Dans le pays de qui ? Faire quoi ?

On ne peut pas construire sa case sur le terrain du voisin. Le service public est plus cher que le service privé. Les collectivités locales sous-traitent toutes les sources d’entrée. Laissant les recettes du développement prendre les chemins incertains.  Ou se loger dans les poches privées. On nous empoisonne mais nous résistons.

Les enfants des corrompus sont inscrits dans des écoles étrangères. Parce qu’on a que des incapables qui ne peuvent pas construire un système scolaire fiable au pouvoir. Mais même si on nous empoisonne, résistons.

Je mâche la honte et je bois les urines de l’incapacité.

On va où ?  Après trente à cinquante ans d’indépendance, aucun de nos dirigeants n’a construit un hôpital pouvant l’accueillir lui-même quand il est malade.

Pendant que le peuple meurt par manque de soin, l’état prend en charge l’évacuation sanitaire des anciens ministres qui nous ont volé des milliards. Les gens qui dirigent notre pays autorisent l’ouverture des banques mais gardent leur argent à l’étranger. Ouvrent des hôpitaux mais se soignent à l’étranger. Ouvrent des écoles et des universités et envoient leurs enfants étudier dans des lycées Français et Américains. On nous empoisonne mais résistons.

Je mâche ma honte et je bois les urines de mon sous développement.

Ils veulent nous voir partir tous pour vendre le pays aux chinois. C’est certain.

Je vais croire aux réalisations sanitaires du gouvernement le jour où notre chef d’état va se soigner ici. Le jour où on ne parlera plus d’évacuation sanitaire des membres du gouvernement et leur famille. On trompe qui ? Là où on les évacue ne sont pas aussi des hôpitaux ? Si ce sont les hôpitaux ; ici alors c’est quoi ?

Chaque fois que quelqu’un arrive au pouvoir, il comprend que nos enseignants n’enseignent rien. Tous ses enfants vont aux collèges et lycées français ou américains. Créer une bonne école n’est pourtant pas un miracle.

On nous empoisonne mais il faut résister.

8 - Nous sommes des moutons

J’entre, je vous regarde et je dis : applaudissez pour vous-même. Et vous applaudissez comme des moutons. J’ai fait quoi ? Et même si j’avais fait quelque chose, je n’ai pas le droit de vous intimer l’ordre d’applaudir. Si ça ne vous plaît pas.

Nous les artistes on est con. Vous sortez de chez vous pour venir nous voir prester comme on dit et sans même rien faire je dis applaudissez.

Vous applaudissez !

Et je me compte moi aussi parmi les artistes qui fêtent avec le pays ses cinquante ans d’indépendance.

Vous êtes indépendant ; et un pantin comme moi vous demande d’applaudir vous applaudissez ça veut dire que n’importe qui peut prendre ce pays et vous dire de monter. Vous allez monter. S’il vous dit de descendre vous allez descendre. Et on nous parle de cinquante ans d’indépendance. Vous allez effectivement vous révolter quand ? Les applaudissements c’est le salaire de l’artiste. Alors un artiste entre en scène et sans faire son travail il demande déjà le salaire. Ça montre que vous acceptez n’importe quoi. Ce n’est pas de l’indépendance.

Je n’aime pas les débuts d’année.

Chaque début d’année, chaque artiste commence son spectacle par bonne année. Et le public le trouve inspiré. Il a créé quoi ? La fin de l’ancienne année ou le début de la nouvelle ?

C’est le plagiat.

Chaque année depuis que je suis né et dieu sait que je suis né il y a très longtemps, je reçois les souhaits de ceci et de cela. Et je passe le reste de l’année à attendre que les souhaits se réalisent. Aucun souhait ne se réalise. C’est comme si en me donnant des vœux on me bloque.

L’année dernière une amie m’a souhaité une année de santé et de prospérité. Je vous jure que dés le premier février je suis tombé malade. Et même pour me soigner je n’ai pas vu la prospérité venir. Aujourd’hui j’ai encore les dettes de ma maladie de février.

Cette année quand j’ai vu la fille là entrer dans ma barrière, j’ai dit à mes enfants : dites à la fille là que je ne suis pas là. Et ma dernière petite fille a couru vite lui dire : papa a dit de te dire qu’il n’est pas là.

Dès qu’elle a ouvert sa bouche pour vouloir sortir ses meilleurs vœux à mes enfants je suis sorti et j’ai dit : arrête.

Ne souhaite rien à mes enfants s’il te plaît. Tous les vœux que tu as gardés pour moi, va le dire au voisin et tu viens on mange ensemble.

Il y a sept ans j’étais seul à passer les fêtes de fin d’année. Ma femme avait pris congé de moi. On s’était un peu fâché comme tous les couples. Les amis m’ont tous souhaité le vœu d’amour et de bonheur avec ma femme. Je suis resté les bras croisés pour qu’elle revienne pour qu’on vive le bonheur que les gens avaient souhaité avec amour. Elle n’est pas revenue. Au mois d’Août fatigué d’attendre qu’elle vienne, je suis parti chez eux la chercher. Heureusement que dieu était avec moi. Je suis arrivé comme ça le jour où ses parents prenaient la dot d’une autre personne. J’ai crié Yaaa’aa ! Et j’ai dit : chérie je t’aime comme on meurt. Viens on rentre ; le bonheur nous attend.

Elle s’est levée et je suis rentré chez moi avec elle. Ça fait longtemps qu’elle a compris par elle-même  que ce n’est pas le bonheur qui nous attend. C’est nous qui attendons le bonheur en voyant nos enfants grandir.

Non ! Non ! Il ne faut pas se laisser tromper tous les ans. Je vous jure qu’il y a toujours un vendeur de malchance qui vient sans être invité vous souhaiter ; bonne année. Et voila votre année qui finit dans le gouffre de sa sorcellerie. Cette année j’ai fermé mon téléphone trois jours avant et trois jours après. Et vous allez voir le résultat cette année ce n’est pas moi qui vais vous dire. L’année sera bonne.

Les années où j’ai reçu trop de vœux là… j’ai fait quoi avec ? Alors qu’au début de l’année je ne savais pas où mettre vos souhaits.

Quand personne ne te souhaite rien, ton année prospère.

Tu n’es pas obligé de dire applaudissez à la fin d’un sketch pour que le public explose de joie.

9 - Ma femme au régime

Le mois dernier ma femme est venue me voir pour qu’on se mette au régime. Je lui ai dit ma chérie nous sommes déjà au régime monogamique. Je ne veux pas engager un autre régime. Plusieurs régimes ensemble ne font pas bon ménage.

Ma femme vous pouvez me croire ne ressemble plus à celle que j’ai épousé. Des moments je crois qu’elle se transforme quand elle dort. Elle ne ronfle pas la nuit elle gonfle.

Pourtant les amis. Pourtant. On ne prévoit rien avec la femme.

J’avais pris du temps pour faire un choix ; regarder les filles, la taille, l’épaisseur… le jour où je suis tombé sur  ma femme, je l’ai trouvée parfaite. Rien ne dépassait je vous jure. Juste ce que mon imagination avait conçu piles poils. Un bâton debout.

Elle pesait 54 kilo 800 grammes. 1m75. L’affamé parfaite pour faire des économies de repas. Ce que je donnais pour les courses était toujours suffisant.

Aujourd’hui ma femme est ronde. Des fois je veux l’embrasser je ne trouve pas sa bouche tellement elle roule. Si elle va au marché avec n’importe combien, ça va être insuffisant.

Quand elle monte sur la balance parlante au supermarché, elle me fout la honte. La balance dit : bande de voyou montez un à un. Je me vois encore au centre du super marché regardant les yeux me regarder.

Pour les simples balances, ma femme casse toujours le ressort.

Ma femme mange… elle ne mange pas. Elle bouffe. Ma femme bouffe. Surtout quand elle est enceinte. Elle mange même après l’accouchement. Elle m’a fait acheter une fois deux sacs de riz, un sac de maïs et trois cartons de 15 litres d’huiles chacun pour son accouchement. Elle tenait à ça plus qu’au trousseau. Trois semaines après son accouchement, tout était fini. J’ai cru qu’il y avait eu vol chez moi. Je me suis mis à chercher les traces des malfrats. C’est mon fils qui a dit : papa tu cherches loin. C’est maman qui a tout mis dans son ventre.

Je ne comprends pas. Mes enfants pensent que leur mère est enceinte tout le temps. Quand j’ai connu ma femme elle faisait le jogging tous les matins. Maintenant tous les matins elle fait la grâce matinée. Elle s’est inscrite au concours miss Mama kilo. Elle n’a pas pu aller parce que très fatiguée après un petit déjeuner costaud.

Quand je touche le ventre de ma femme, j’ai l’impression que je touche un sac de patates. Avant je portais ma femme. Pour partir du salon à la chambre, je portais ma femme. C’était ma façon de me sentir homme. Aujourd’hui je ne peux pas. J’ai essayé ça n’a plus marché. Comme si je tentais de soulever un camion de 6 tonnes.

Quand je veux qu’elle roule vers la chambre, je lui tends un paquet de biscuit en reculant vers la chambre. Elle me suit tout de suite et grignote le biscuit pendant que nous faisons l’amour.

Ma femme au milieu de la nuit se réveille en disant : j’ai une petite faim.

Elle sort une marmite du fond du lit et mange tout son contenu avant de se recoucher.

Un jour ma femme a pété dans la couverture. Son pet a soulevé la couverture comme une tempête qui sortait d’un abri trop petit. La chambre est devenue le centre de la pollution nationale. J’ai ouvert les fenêtres et tôt le matin, le voisin est venu demander s’il y avait un cadavre pourrissant chez nous ?   

Et ma femme a décidé de se mettre au régime. L’autre jour elle a réussi à faire trois heures sans manger. Elle a eu tellement mal au ventre que je suis allé en pharmacie prendre un produit. Il fallait manger avant de le prendre. Elle a mangé, le mal est parti. Elle n’a plus pris le médicament.

Ma femme bouffe tout et tout le temps. Quand elle fait la cuisine, elle goûte même l’oignon en le découpant.

Si je ne m’étais pas marié pour le meilleur et pour le pire, il y a longtemps que j’aurai  épousé une autre petite pour avoir le temps de la voir grossir.

18 septembre 2009

le Candidat de l'humour

Monsieur Nimportequi En Campagne

One man show : “Je suis candidat aux élections présidentielles de 2011”



Le comédien Wakeu Fogaing a présenté dimanche dernier, au Centre culturel Francis Bebey de Yaoundé, son prochain spectacle, « Monsieur nimportequi en campagne ».


Précision nécessaire a priori, Wakeu Fogaing n’est pas un homme politique. Il ne milite dans aucun parti politique et n’envisage d’en créer aucun.
C’est un comédien. Mais le registre qu’il a choisi, pour sa dernière trouvaille, c’est la politique, comme l’atteste le titre de son nouveau spectacle : « Monsieur nimportequi en campagne ». Et le public présent à son spectacle dimanche dernier, 10 mai 2009, au Centre culturel Francis Bebey au quartier Mélen, à Yaoundé a aimé. Le titre « Je serai président de la république » donne le ton de la suite. Tenez ! « Excellence Messieurs les représentants de la canaille nationale, honorables affamés, malheureux misérables, Mesdames, Messieurs, l’oiseau ne construit pas son nid sur un arbre sec… », lance-t-il aux spectateurs qui éclatent de rire. « Je suis venu vous voir parce que vous êtes utiles pour ma carrière, utiles pour mon avenir, utiles tout court. Vous n'avez pas besoin d'avenir (…) c'est la raison pour laquelle je vous ai toujours laissé dans votre misérable condition », poursuit-il.
S’ensuit une kyrielle de déclarations, de dénonciations et de petites histoires. « Je suis candidat aux élections présidentielles de 2011. Je serai le président » ; « Ne me reprochez pas si j’ai voté des lois à l’Assemblée nationale même sans les avoir lues. Le gouvernement nous a même donné des gratifications pour avoir voté une loi sans l’avoir lue » ; « Pour être heureux dans un pays pourri, il faut être pourri » ; « Dans tous les cas, retenez que c’est vous qui votez et que c’est nous qui lisons les résultats », etc.
La comédie de Wakeu Fogaing s’adresse à ceux qui seront candidats aux élections présidentielles en 2011. Il tire son inspiration des défaillances des hommes politiques actuels : « Sur le plateau, je dis les non-dits. En fait, je critique les discours de campagne que j’ai suivis depuis 1992. Les discours des candidats qui ne sont pas encore aux affaires et ceux qui y sont déjà et promettent qu’ils pourront faire mieux si on leur renouvelle notre confiance », explique-t-il. Objectif de son engagement : « Amener les jeunes politiciens et ceux qui envisagent de faire de la politique à ne pas sombrer dans les erreurs que je décris dans ma comédie », affirme-t-il. Son recueil qui s’intitule « Monsieur nimportequi en campagne » sera enregistré en septembre 2009 au Ccf de Douala.

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Comédien Humoriste, Auteur Dramatique
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